Afghanistan: les talibans s’emparent de Zaranj, capitale de la province de Nimroz tout près de l’Iran

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Les talibans ont pris ce vendredi 6 août 2021 le contrôle de Zaranj, capitale de la province de Nimroz, dans le sud-ouest afghan, tout près de l’Iran. Cette conquête n’est pas d’importance stratégique, sur le plan militaire. Elle n’en reste pas moins symbolique. C’est la première capitale provinciale à tomber entre les mains des insurgés depuis le lancement de leur offensive, coïncidant avec le lancement de la dernière phase de retrait des troupes étrangères.

« Zaranj, capitale provinciale du Nimroz, est tombée aux mains des talibans », a déclaré à l’Agence France-Presse Mme Roh Gul Khairzad, vice-gouverneure. La conquête s’est opérée « sans combat », a-t-elle précisé. « La ville était menacée depuis un certain temps, mais aucun membre du gouvernement central ne nous a écoutés », regrette Mme Khairzad, confirmant un tweet des insurgés, qui annonçait un peu plus tôt la prise de bâtiments stratégiques de la ville, notamment le siège de l’administration, et celui de la police.

Sans importance stratégique majeure, cette perte est néanmoins une mauvaise nouvelle pour le gouvernement, qui actuellement défend une série de capitales provinciales contre les talibans, renforcés depuis le lancement de la dernière étape du retrait, encore en cours, des troupes étrangères du pays, en mai dernier. Il s’agit de la première capitale de province afghane à tomber entre les mains des talibans. Des vidéos d’insurgés errant dans les rues, acclamés par les habitants, sont visibles sur les réseaux sociaux, sans certitude sur la véracité de ces clips.

La chute de Zaranj survient le même jour qu’une revendication des talibans, suite à l’assassinat du chef du département d’information des médias du gouvernement central. Cette semaine, les insurgés avaient prévenu qu’ils cibleraient les hauts responsables de l’administration, en représailles à l’augmentation des frappes aériennes. De fait, les forces gouvernementales continuent de cibler les positions des talibans. Tout récemment, le ministre de la Défense a également échappé à une tentative d’assassinat, lors d’un attentat à la bombe.

L’Iran face au risque de nouvel afflux de réfugiés

Avec la progression rapide des talibans, le voisin iranien craint un nouvel afflux de réfugiés, relate notre correspondant à Téhéran, Siavosh Ghazi. Des vidéos publiées par les sites d’information de la République islamique et sur les réseaux sociaux montrent des centaines d’Afghans traversant la frontière pour venir se réfugier en Iran. On y voit des femmes, des enfants et des hommes, portant un simple sac, traversant à pied la frontière. Selon le site de la télévision d’État, des responsables politiques et militaires afghans sont aussi arrivés en Iran.

Les autorités iraniennes ont décidé de fermer le poste-frontière avec l’Afghanistan. Désormais, tous les poste-frontières entre les deux pays sont aux mains des talibans. L’Iran compte déjà plus de 2 millions d’Afghans sur son sol. Mais l’aggravation de la situation économique dans le pays pousse de nombreux Afghans à partir pour se rendre en Turquie, avant de chercher à aller en Europe. La chute de Zaranj intervient alors que le président afghan est à Téhéran, où il a assisté aux cérémonies marquant la prise de fonction du nouveau président Raïssi.

Les mots forts de l’envoyée de l’ONU en Afghanistan

Autre élément de contexte, cette conquête dans la province du Nimroz survient alors qu’une réunion avait lieu au Conseil de sécurité de l’ONU, ce vendredi à New York. L’envoyée spéciale des Nations unies en Afghanistan y a mis en doute l’engagement des talibans en faveur d’un règlement politique de la crise. Aux yeux de Deborah Lyons, « une partie sincèrement engagée dans une négociation ne risquerait pas de faire autant de victimes civiles, car elle comprendrait que plus le sang sera versé, plus le processus de réconciliation sera difficile ».

« Les pays en contact avec les talibans doivent prévenir ces derniers qu’un gouvernement imposé par la force ne sera pas reconnu », défend Mme Lyons. À ses yeux, la guerre est entrée dans une phase plus « destructive et meurtrière », qui rappelle la Syrie ou Sarajevo. Et l’émissaire d’appeler le Conseil à agir rapidement, relate notre correspondante à New York, Loubna Anaki, suggérant le non-renouvellement des dérogations accordées à certains représentants talibans pour voyager, en fonction des progrès diplomatiques enregistrés ou non.

En fin d’après-midi, ce vendredi, le ministère afghan de la Défense a affirmé que les talibans avaient été chassés de Sheberghan, où ils avaient pénétré un peu plus tôt. À Hérat, troisième plus grande ville du pays, elle aussi encerclée par les talibans, les habitants ont quitté en nombre leur foyer. « Nous avons complètement évacué la zone », a raconté à l’Agence France-Presse Ahmad Zia, un habitant de la partie ouest de la ville. « Il ne nous reste rien et nous ne savons pas où aller », ajoute-t-il. Le retrait des forces internationales sera complet d’ici au 31 août. (Radio France Internationale)