(Rome, 29 juin 2021). Dans la nuit du 27 au 28 juin, les forces américaines ont lancé des frappes aériennes contre les positions de groupes pro-iraniens à la frontière entre l’Irak et la Syrie. Comme l’a souligné le département américain de la Défense, l’opération visait à cibler les structures employées par les milices soutenues par l’Iran, y compris les Kata’éb Sayyéd al-Chouhada.
Comme le rapporte le journal al-Araby al-Jadeed, ils représentent le troisième groupe armé pro-iranien actif en Irak, déjà accusé par le passé de crimes de « nettoyage sectaire » en Syrie et en Irak, ainsi que d’implication dans des attaques contre des cibles américaines dans la région, notamment à Erbil et al-Anbar. Les Kata’éb Sayyéd al- Chouhada sont nés en 2013, dans le but de « défendre les sanctuaires religieux chiites », de sauvegarder la sécurité irakienne et de mettre fin aux conflits sectaires. La milice est estimée à environ 4.000 hommes, dirigée par Abou Alaa Al-Wala’i, de son vrai nom Hachem Bounyan, l’un des fugitifs le plus recherché à l’époque de l’ancien dirigeant Saddam Hussein, qui est rentré depuis l’Iran en Irak après l’invasion du pays par les États-Unis. Considéré comme «mandataire» de l’Iran, parmi les premiers membres des unités de mobilisation populaire (UMP), le groupe soutient militairement le président syrien, Bachar al-Assad, dans le conflit civil en cours.
La présence des Kata’éb al-Chouhada a surtout été observé dans la périphérie de Damas, ainsi qu’à proximité d’al-Boukamal et d’al-Tanf, dans l’est de la Syrie. Quant à l’Irak, le groupe a des positions dans les gouvernorats de Ninive et d’al-Anbar. La milice pro-iranienne est accusée d’avoir mené des opérations de « nettoyage sectaire » depuis 2014 dans le gouvernorat syrien de Deraa, dans la Ghouta orientale ainsi que dans plusieurs régions irakiennes, dont al-Baaj, à l’ouest de Mossoul. Parallèlement, le groupe semble être impliqué dans des activités commerciales illégales à la frontière syro-irakienne, telles que la contrebande de carburant, d’équipements électriques, de pièces détachées de voitures et de médicaments. Les Kata’éb al-Chouhada, et non des moindres, ont été accusés d’être impliqués dans la persécution et le meurtre de militants civils irakiens, dans le contexte de la mobilisation populaire qui a éclaté en octobre 2019. En mars dernier, le gouvernement régional du Kurdistan irakien a formellement accusé le groupe d’avoir participé aux attaques d’Erbil.
Celle du 27 juin était la deuxième opération ordonnée par l’administration de Joe Biden en Syrie. Selon des sources proches du Kata’éb Sayyéd al-Chouhada, l’attaque a été menée à l’intérieur du territoire syrien, à environ 8 km de la frontière avec l’Irak, où la milice a des positions dans une zone appelée al-Hari, où elle abrite également d’autres groupes, principalement des Irakiens. Des UMP ont été vus arrivant sur les lieux à la suite des raids américains. De leur côté, les factions armées irakiennes, membres de la soi-disant «Coordination de la résistance irakienne», ont promis de se venger, menaçant d’attaquer des cibles américaines.
Dans ce contexte, le 28 juin, le porte-parole du commandant en chef des forces armées en Irak, le général Yahya Rassoul, a condamné l’attaque aérienne américaine à la frontière irako-syrienne, la qualifiant de « violation flagrante et inacceptable de la souveraineté et de la sécurité nationales irakiennes ». L’Irak, a réitéré le porte-parole, refuse de devenir une arène de règlement de compte et défend le droit à la souveraineté sur son territoire. « Nous demandons que le calme soit rétabli et que toute forme d’escalade soit évitée », a déclaré le porte-parole. Bagdad, quant à lui, s’est dit prêt à ouvrir des enquêtes et à prévenir de nouvelles violations à l’avenir.
Des voix de condamnation ont également émané de certaines coalitions du parlement irakien. A cet égard, la coalition « Victoire », dirigée par l’ancien Premier ministre irakien Haider al-Abadi, a évoqué une escalade et une transgression « inacceptables », réitérant le refus de l’Irak de s’impliquer dans un conflit entre acteurs régionaux et internationaux, qui mettrait en danger sa propre sécurité et les intérêts de son peuple. Le Fatah, désigné comme l’aile politique des UMP, a demandé au Premier ministre al-Kadhimi d’ouvrir une enquête, tandis que le ministère des Affaires étrangères a été invité à condamner ce qui s’est passé. En plus de définir l’attaque américaine comme une « agression contre le peuple irakien », pour le Fatah, l’épisode démontrerait « l’absurdité » de la présence des forces américaines en Irak et le danger qu’elles représentent pour la stabilité et la sécurité du pays. Raison pour laquelle, le gouvernement de Bagdad a été prié d’expulser les troupes de Washington.
Piera Laurenza. (Sicurezza Internazionale)