Le message de Poutine à l’OTAN: exercice avec les Mig-31 et les Tu-22 en Syrie

0
350

(Rome, 26 juin 2021). Vendredi, des chasseurs-bombardiers Mig-31K du Vks (Vozdushno-kosmicheskiye sily) des forces aérospatiales de la Fédération de Russie, sont arrivés en Syrie à la base de Hmeimim. Les avions côtoient les bombardiers Tupolev Tu-22M3 qui ont regagné la base russe pour participer, dans la partie orientale de la mer Méditerranée, à un exercice conjoint de la force opérationnelle permanente de la marine russe présente dans le port syrien de Tartous. Outre les Mig-31 et Tu-22, il semble également qu’un avion anti-sous-marin Il-38 soit arrivé, comme le rapporte Paolo Mauri dans «Inside Over».
Selon le plan d’exercice, cinq navires de guerre russes, à savoir le croiseur lance-missiles Moskva, les frégates «Admiral Essen» et «Admiral Makarov», ainsi que deux sous-marins améliorés de la classe «Kilo Stary Oskol» et «Rostov-on-Don», ainsi qu’un navire de patrouille maritime «Tu -142MK» et les autres moyens aériens susmentionnés effectueront une mission d’entraînement visant officiellement à garantir la sécurité de la base aérienne de Hmeimim et du centre logistique de la marine russe de Tartous.
Le Mig-31K est déployé en Syrie pour la première fois. Rappelons que cette version du célèbre chasseur russe (né comme intercepteur) a été développée pour transporter le missile «Kh-47M2 Kinzhal», un porteur balistique hypersonique à longue portée dérivé de l’Iskander qui peut s’équiper d’une charge atomique ou conventionnelle. On ne sait cependant pas encore si les deux MiG-31 arrivés en Syrie portent ce type de lanceurs ou une version d’entraînement de ceux-ci.
Les Tu-22M3, quant à eux, peuvent embarquer les missiles de croisière antinavires à longue portée Kh-32, une évolution récente du célèbre Kh-22 (As-4 « Kitchen » en code OTAN). Lors du premier déploiement de «Backfire» à Hmeimim, des bombardiers ont été aperçus avec au moins un de ces missiles suspendus sous leurs ailes.
D’après les actifs présents et ce que nous savons par les agences de presse russes, le but de l’exercice n’est pas tant d’«assurer la sécurité» des bases russes en Syrie que de tester le mécanisme d’interdiction aérienne et maritime russe dans le pays. Le «Kinzhal», en effet, semble pouvoir avoir un usage anti-navire, mais même s’il était utilisé d’une autre manière il serait le vecteur parfait pour toucher des cibles terrestres comme les aéroports et les radars ennemis présents en Méditerranée orientale.
Le dispositif russe déployé est complexe, et dans le « Mare Nostrum », c’est la toute première fois que des avions tels que le «Backfire», le Mig-31, le Tu-142 sont vus opérer ensemble avec les unités navales présentes à Tartous.
Curieusement, aux mêmes heures où se déroule l’exercice russe, le groupe d’attaque du porte-avions HMS Queen Elizabeth traverse les eaux entre Chypre et Israël, ajoute Paolo Mauri dans son analyse. A cet égard, l’un des objectifs des exercices russes sera de surveiller les actions du groupe naval britannique, et nous n’excluons pas que le Tu-22 ou le Mig-31 puissent faire des « paris » vers lui pour tester ses défenses.
L’extension de la piste de l’aéroport russe de Hmeimim porte donc ses fruits.
En mai de cette année, à la base aérienne, la reconstruction de la deuxième piste s’est achevée avec le remplacement complet du revêtement et l’installation de nouveaux équipements d’éclairage et de radio. Des travaux qui avaient déjà commencé l’an dernier, comme en témoigne la reconnaissance par satellite à la mi-décembre. Grâce à l’augmentation de la longueur de la piste, les avions russes à long rayon d’action équipés des derniers lance-missiles ont pu effectuer les premières missions dans l’espace aérien au-dessus de la mer Méditerranée, comme cela s’est brièvement produit fin mai.
Ce qui était largement prévisible est donc en train de prendre forme : la plus grande attention de la Russie sur le front sud de l’OTAN grâce à ses bases en Syrie. Il s’agit de signaux importants et significatifs plus d’un point de vue diplomatique plutôt que militaire, car la Russie n’est actuellement pas en mesure d’assurer la maintenance de moyens stratégiques tels que le «Backfire» ou le Tu-142 (et peut-être aussi le Tu-95) à l’étranger pendant de longues périodes en raison des coûts d’exploitation et de l’usure accrue des hommes et des moyens.
Les longs cycles d’entraînement à l’étranger nécessitent une dépense de ressources à laquelle Moscou n’est pas en mesure de faire face pour le moment, et par conséquent, ce que nous voyons en ces dernières heures représente un signal diplomatique lancé en direction de l’OTAN et des Etats-Unis en réponse à « l’encerclement » qu’ils pratiquent depuis quelque temps vers la Russie, estime l’analyste Paolo Mauri.
Toutefois, il s’agit de signaux à ne pas sous-estimer d’un point de vue militaire. Le Kremlin, malgré les difficultés, peut mobiliser des moyens et des hommes sur un nouveau front, celui de la Méditerranée, qui peut le cas échéant contribuer à renforcer la bulle d’interdiction aéronavale syrienne et porter l’offensive beaucoup plus loin le long des lignes de navigation maritime, tout en étant capable d’atteindre des cibles terrestres ponctuelles de grande valeur à l’aide de missiles à distance transportés par des bombardiers à long rayon d’action.
Bien que la menace militaire russe en Méditerranée ne soit pas aussi urgente qu’on pourrait le penser, ces manœuvres ont certainement un mérite : elles contribueront à détourner davantage l’attention de l’Alliance atlantique vers son front sud trop souvent négligé en raison de la concentration sur celui de l’Est.