La France dans l’Indo-Pacifique: voici la stratégie de Macron

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(Rome, 21 juin 2021). Pour plaire aux alliés, mais aussi et surtout pour grignoter, pas à pas, de nouvelles sphères d’influence en Asie. Emmanuel Macron a recalibré une grande partie de la politique étrangère française en fonction des besoins de l’Alliance atlantique. Et le principal besoin du front occidental, motivé par le retour de la flemme américaine de Joe Biden, est unique : contenir la montée en puissance de la Chine. Tant sur le continent asiatique que dans le reste du monde. Mais si repousser l’avancée chinoise en Europe est relativement simple, mettre en difficulté les travaux de Pékin dans l’Indo-Pacifique est une affaire bien plus complexe. Tout cela ne semble pas particulièrement gêner la France, qui entend consolider sa présence dans les mers d’Asie en s’appuyant sur deux partenaires exceptionnels : le Japon et l’Australie, comme le rapporte dans son décryptage Federico Giuliani dans «Inside Over».
Selon Giuliani, le triangle Paris-Tokyo-Canberra est un élément fondamental de l’axe dit « Indo-Pacifique ». Un axe consolidé entre différents acteurs, aux objectifs également opposés, mais maintenus ensemble par la nécessité d’équilibrer l’influence du Dragon. Le problème de fond, à effet de l’épée de Damoclès que peut représenter cet axe pour la Chine, est précisément celui-ci : le fait que chaque pays occidental engagé au large de la mer de Chine agit au nom de son propre agenda. En d’autres termes, le sentiment est que l’axe indo-pacifique est davantage régi plus par un besoin explicite de s’opposer à la Chine que par la volonté de proposer aux pays de la région une alternative à Pékin.
Le mouvement de Macron
La France ne plaisante pas. Pour le contre-amiral Jean-Mathieu Rey, chef des forces armées françaises dans la région Asie-Pacifique, Paris a réparti un contingent respectable entre l’Asie et l’Océanie, composé de 7 à 8.000 soldats, 15 navires de guerre, 38 avions stationnés en permanence. De plus, ajoute M. Giuliani, comme l’a bien résumé Le Monde, le porte-avions à propulsion nucléaire Charles-de-Gaulle, le sous-marin nucléaire d’attaque Emeraude, quatre avions Rafale, le groupe amphibie Jeanne d’Arc, la frégate furtive Surcouf et le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre, pour ne citer que les principaux atouts. Quel est leur but ? C’est simple : participer, avec les alliés occidentaux et locaux, à des manœuvres militaires bien définies capables d’endiguer l’hégémonie de la Chine, ajoute le journaliste spécialisé dans les stratégies de communication publique et politique Federico Giuliani.
La France doit toutefois garder à l’esprit un changement substantiel par rapport au passé. Historiquement, Paris s’est toujours définie comme une « puissance indo-pacifique », et ce en vertu des différents territoires maritimes qu’elle contrôle, de la Polynésie française à la Nouvelle-Calédonie. Mais la nouvelle alliance à laquelle Macron participe a transformé les Français en une « puissance de l’axe indo-pacifique ». Le sens est clair : le statut de la France dans l’espace asiatique n’est plus au-dessus de tous, mais au contraire placé sur un pied d’égalité avec les autres alliés locaux des américains (Japon, Australie etc…).
Ce que recherche Paris
C’est Donald Trump qui a braqué les projecteurs sur l’Indo-Pacifique. A partir de ce moment, les États-Unis ont érigé le Quad comme un outil par excellence (non seulement politique, mais aussi militaire) pour envoyer des messages clairs à la Chine. La France, qui ne fait pas partie de cette alliance, a tout fait pour ne pas se laisser distancer en se taillant un espace dans l’arrière-cour chinoise. La raison est simple, et les responsables français l’ont tout de suite compris. Plus que des prétentions morales et idéologiques, la présence de Paris dans l’Indo-Pacifique se justifie par le fait que les intérêts économiques se déplacent progressivement vers cette région. Et rester à l’écart, pour ceux comme Macron qui rêvent d’une France capable d’assister à toutes les tables mondiales, représenterait un objectif sensationnel.
« Le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé de l’Atlantique vers le Pacifique », a noté le ministère français des Affaires étrangères sur son site Internet. Dans la région se trouvent également six membres du G20 (Australie, Chine, Inde, Indonésie, Japon et Corée du Sud) « tandis que les routes commerciales maritimes qui relient l’Europe et le golfe Persique à l’océan Pacifique, en passant par l’océan Indien et le sud-est de l’Asie, sont devenues très importantes » et que « la part croissante de la région dans le commerce et les investissements mondiaux signifie qu’elle (la région) est à l’avant-garde de la mondialisation ». Considérant que la France est présente dans la région avec ses territoires d’outre-mer (la région abrite 1,5 million de Français), Macron ne peut certainement pas attendre, sans espoir.