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Ebrahim Raïssi vers la présidence en Iran. La liste rivale se resserre

(Rome, 17 juin 2021). Quatre candidats restent en lice pour les prochaines élections dans le pays. Le religieux ultra-conservateur est donné comme favori dès le premier tour. Le vote intervient alors que la République islamique s’engage à revitaliser l’accord nucléaire
Comme le rapporte l’analyse de Marta Allevato de l’agence italienne «AGI», à la veille des élections présidentielles iraniennes, le champ des candidats – déjà limité par le contrôle du Conseil des gardiens, lequel contrôlé par le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei – est encore plus restreint : après trois retraits de dernière minute, quatre candidats restent en lice, avec le religieux ultraconservateur Ebrahim Raïssi donné comme favori dès le premier tour.
Le seul véritable réformiste admis à la consultation, Mohsen Mehralizadeh, a été le premier à se retirer, suivi de deux ultra-conservateurs, Alireza Zakani et Saïd Jalili, tous deux favorables à Raïssi. Les rumeurs du départ d’Amirhossein Ghazizadeh Hashemi ont également été démenties par le staff du parlementaire conservateur en fin de soirée.
Avec lui et Raïssi, Mohsen Rezai, ancien commandant des Pasdaran, dans sa quatrième tentative pour remporter le siège de chef du gouvernement, et l’ancien gouverneur de la banque centrale, Abdolnaser Hemmati, soutenus par les réformistes et les modérés, fortement divisés en leur sein, restent également dans la course.
Si le parterre reste tel qu’il est, les sondages de l’institut d’Etat Ispa donnent à Raïssi 64% des voix. C’est le visage le plus populaire dans les rues de Téhéran sous le slogan « un gouvernement du peuple, un Iran fort », alors que les affiches électorales des autres prétendants sont pratiquement absentes.
La figure de Raïssi
« Raïssi est l’homme qu’il faut, il combat l’injustice et la corruption et est un révolutionnaire fidèle », a déclaré Majid Hamid, un vétéran de guerre titulaire d’une pension d’invalidité, qui était présent sur la place Haft-e Tir lors d’un des rassemblements électoraux du favori des urnes.
« Avec lui, nous aurons de bonnes relations avec l’Europe, mais à partir d’une position ferme qui protège nos intérêts nationaux, alors que si les États-Unis ne changent pas d’attitude, avec eux, nous n’aurons aucune relation », ajoute l’homme, qui est descendu dans la rue avec sa femme entièrement voilée et assise dans la zone de l’événement réservée aux femmes.
« Le gouvernement actuel pense que l’économie ne peut s’améliorer qu’avec de bonnes relations avec l’Occident, mais nous pourrions plutôt nous concentrer sur de bonnes relations avec nos voisins et renforcer notre production nationale », explique Ali, un étudiant en économie de 25 ans à l’Université de Téhéran, venu assister à une conférence de presse de Hemmati, mais a déjà décidé de voter pour Raïssi.
Le contexte des élections
Le vote intervient alors que la République islamique s’est engagée à revitaliser l’accord nucléaire, en négociations indirectes avec les Etats-Unis à Vienne, et dont elle espère la levée des sanctions rétablies par Donald Trump qui étouffent une économie durement touchée aussi par la crise du Covid-19.
La compétition, considérée par de nombreux observateurs comme ni libre ni ouverte, pourrait enregistrer un record d’abstention, sur fond de mécontentement généralisé dû à la grave crise économique et de désillusion quant aux pouvoirs réels du président, dans un système politique qui donne au Guide suprême le dernier mot sur les décisions clés de la vie du pays.
Réformateurs et modérés, ajoute Marta Allevato dans AGI, attribuent précisément l’affrontement avec « l’État profond », lié à Khamenei, et l’opposition du Parlement, aux mains des conservateurs, l’incapacité du gouvernement du modéré Hassan Rohani à réaliser les promesses de bien-être et d’ouvertures économiques faites au début du premier mandat, il y a déjà huit ans.
Les derniers sondages
Dans le sillage d’une vaste campagne de boycott du scrutin, menée par des opposants et des dissidents, en plein contagion de Covid, le dernier sondage de l’institut d’Etat Ispa prévoit une participation de 42%, un chiffre que les médias conservateurs ont qualifié de «bond» par rapport aux 38 % enregistrés la semaine dernière. Mais il reste bien en deçà de celui des dernières élections présidentielles de 2017, au cours desquelles Rohani a remporté un second mandat avec un taux de participation de 70 %.
L’ayatollah Khamenei, dans un discours télévisé hier soir, a de nouveau appelé les Iraniens à voter « en masse », pour faire face aux ennemis. La participation est la donnée sur laquelle les projecteurs sont braqués, dans ce qui constitue un nouveau test de légitimité pour le système politique, après trois années qui ont mis à rude épreuve les relations entre la société et le pouvoir, non seulement à cause de la crise mais aussi à la dure répression des manifestations en 2019 contre la hausse des prix du carburant et l’abattage du vol régulier ukrainien au-dessus de Téhéran, qui a tué 176 personnes, pour la plupart iraniennes.
Par l’intermédiaire de leurs mercenaires dans le pays, a tonné Khamenei, « les puissances sataniques » tentent de boycotter les élections et ainsi de « créer un fossé entre le peuple et le système (le régime) », lance sarcastiquement Ali, propriétaire d’un café fréquenté par des écrivains et des artistes dans le quartier nord de la capitale et qui a requis l’anonymat, « là-haut ils font ce qu’ils veulent et nous en bas, faisons de même ».

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