(Rome, 28 mai 2021). Les drones sont considérés comme la véritable arme de l’avenir de la guerre aérienne. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus utilisés dans les conflits. Et en raison de leur capacité d’utilisation – qui va de la surveillance à l’espionnage en passant par le transport de missiles et de bombes – ils sont désormais couramment utilisés sur tous les fronts de guerre.
Le programme de drones turcs
La Turquie a depuis un certain temps entamé un solide programme de modernisation de son arsenal de drones. Un choix dicté par des besoins à la fois stratégiques et économiques. Du point de vue militaire, le drone présente trois particularités qui le rendent préférable à un avion ; il n’a pas besoin de pilote, ce qui réduit considérablement le risque de pertes humaines. Il peut être exploité pour des vols beaucoup plus longs et sans ravitaillement étant extrêmement plus léger qu’un avion; et enfin il a une capacité nettement plus sélective et chirurgicale d’atteindre la cible, à tel point qu’il est largement utilisé pour les missions les plus modernes d’«exécutions ciblées» typiques des campagnes contre les organisations ou les milices terroristes. Et sur le plan économique, l’industrie turque a connu une forte accélération grâce aussi à la poussée du «Sultan» pour fournir des produits «made in Turkey» à utiliser et à exporter.
Ankara n’a jamais eu de scrupules dans les conflits dans lesquels elle est impliquée, à utiliser son avion sans pilote le plus moderne. Les images du Haut-Karabakh avaient montré au monde entier la létalité des drones turcs qui ont pilonné les forces arméniennes lors de l’escalade avec l’Azerbaïdjan. Mais les drones «Crescent/Croissant» ont également été utilisés en Libye et en Syrie, dans le premier cas pour soutenir les forces de la Tripolitaine, et dans le second en particulier pour surveiller et frapper les forces kurdes.
Le Bayraktar au centre de tout
Il s’agit d’une gamme de campagnes militaires à laquelle s’ajoute l’utilisation (des drones) par les forces turques comme moyen de dissuasion aux mains des arsenaux aéronautiques et navals. L’armée de l’air turque a envoyé ses drones Bayraktar TB2 dans des bases du nord de Chypre en guise d’avertissement à quiconque tenterait de s’impliquer dans le différend sur l’île de la Méditerranée orientale. La Marine a non seulement décidé d’utiliser des drones sur le futur porte-avions Anadolu en l’absence des F-35 (actuellement refusés par les États-Unis), mais les exhibe également lors des plus importants et récents exercices militaires. Le dernier, en date, dans ce sens, est l’exercice Denizkurdu (en turc «loup de mer»), une manœuvre imposante sur de multiples espaces maritime qui implique 25 mille hommes, 132 navires, sous-marins, avions, hélicoptères et 14 drones.
Mais les drones turcs ne sont pas seulement une arme dans l’arsenal d’Ankara et de ses alliés les plus précieux dans la guerre. Les drones font désormais partie intégrante du système diplomatique et militaire de Recep Tayyip Erdogan, qui les utilise également comme base de négociation importante sur différents fronts, à commencer par celui de l’Europe centrale et orientale. L’axe avec l’Ukraine est désormais consolidé précisément en ce qui concerne le développement de technologies utilisables pour les drones ainsi que pour leur vente, et les Bayraktar TB2 font depuis longtemps partie des moyens dont disposent les forces de Kiev.
La vente de drones à la Pologne
Les objectifs d’Ankara ne se s’arrêtent pas à la mer Noire. Et c’est un thème qui désormais inquiète la Russie, quant au déploiement excessif d’avions turcs dans une zone particulièrement hostile à Moscou. En effet, après avoir scellé les accords avec l’Ukraine, la Turquie est également apparue en Pologne, signant un accord pour la vente de 24 drones de guerre à Varsovie. Pour Erdogan, il s’agit d’une victoire diplomatique à ne pas sous-estimer, et il l’a réitérée, soulignant également qu’avec cet accord, il exportera pour la première fois des armes vers un pays de l’OTAN et de l’Union européenne. Le ministre polonais de la Défense, Mariusz Blaszczak, a décrit le Bayraktar TB2 de «véritable machine de guerre, utilisée avec succès en Europe de l’Est et au Moyen-Orient».
Et c’est un signal très important de la façon dont les fils de la diplomatie évoluent dans la région. Ankara propose un véhicule technologiquement avancé (27 heures de vol consécutives, pouvant voler jusqu’à 8.000 mètres et opérer jusqu’à 5.400 mètres d’altitude et capable de frapper avec six missiles) et surtout, sans imposer de limites à son utilisation. Le choix d’orienter la vente vers les pays frontaliers de la Russie indique également l’intention de la Turquie de se montrer proche de la ligne pragmatique de l’OTAN en pénétrant non seulement un marché florissant, mais aussi en pleine expansion. Aujourd’hui, les drones turcs volent de la Libye à la Baltique, de la mer Noire au golfe Persique et survolent toutes les zones de crise dans lesquelles les forces d’Ankara sont impliquées. Un défi pour l’industrie de guerre européenne mais aussi un message adressé aux autres partenaires de l’OTAN : l’industrie militaire turque ne veut plus être considérée comme un partenaire de second rang dans la hiérarchie Atlantique.
Lorenzo Vita. (Inside Over)