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France: l’avenir sera sans églises ni clochers (?)

(Rome, 08 mai 2021). L’épopée millénaire du catholicisme en France est proche d’atteindre un point final à partir duquel ne sera pas possible de faire marche arrière. Car au-delà de l’horizon de la fille aînée de l’Église, patrie des rois très chrétiens et des apparitions mariales, on aperçoit la lumière violette du crépuscule. Crépuscule du soir, pas du matin.

Théâtre d’une moyenne quotidienne de trois épisodes antichrétiens, des profanations aux incendies d’églises, la France est le pays où se déroule un tiers des agressions christianophobes sur le Vieux Continent (1.052 sur environ 3.000 en 2019) et où le processus désormais irréversible de déchristianisation se déroule plus rapidement, plus intensément et plus violemment qu’ailleurs.

L’Observatoire du patrimoine religieux, organisme en première ligne pour sensibiliser les politiques et l’opinion publique à la nécessité de préserver le précieux héritage culturel et architectural transmis à ses contemporains par l’Église catholique, n’a aucun doute sur l’avenir de la France : il n’y aura pas de clochers dans le paysage de demain dans le deuxième plus grand pays d’Europe en nombre d’églises après l’Italie.

La plainte de l’Observatoire

La situation dramatique de l’Église catholique de France a été illustrée en détail en septembre dernier par Édouard de Lamaze, président de l’Observatoire du patrimoine religieux, au lendemain de l’incendie de la cathédrale Saints Pierre et Paul de Nantes. De Lamaze, sans vouloir parler d’un «climat anti-chrétien», comme l’avait fait Marine Le Pen, avait déclaré que «nous n’avons même pas besoin d’être naïfs, [car] notre paysage change : une nouvelle mosquée ouvre toutes les deux semaines, alors que chaque année entre 40 et 50 églises disparaissent, démolies, vendues ou radicalement reconstruites». Une tendance, celle décrite par De Lamaze, qui, si elle est maintenue pendant une période assez longue, pourrait conduire à la prochaine réajustement à un usage profane de cinq mille églises, une fois transformées en logements, en discothèques et en activités commerciales, une fois complètement démolies pour faire place à des parkings et des supermarchés.

La plainte de De Lamaze est restée lettre morte, se heurtant à un mur effrayant d’indifférence et de surdité qui, récemment, l’a persuadé de la nécessité de réitérer le message. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été la destruction de l’église Saint-Pierre à Romilly-la-Puthenaye (Normandie), lieu de culte du XVIe siècle dévasté par un incendie le 15 avril – coïncidant curieusement et de façon inquiétante avec le deuxième anniversaire de l’incendie de Notre Dame de Paris.

Toutes les deux semaines, explique le président de l’institution, un lieu de culte catholique disparaît à jamais, démoli, réaffecté à un usage profane, effondré par négligence ou incendié. Deux tiers des incendies qui endommagent ou détruisent les églises catholiques sont d’origine criminelle, c’est-à-dire déclenchés par des pyromanes, mais dans la grande majorité des cas, ils restent impunis, sans coupable : une farce dans une tragédie. Dans le même laps de temps, poursuit De Lamaze, une nouvelle mosquée émerge : une tendance destinée à réécrire irrémédiablement et profondément le paysage transalpin.

Deux tiers des églises catholiques à risque

Cinq mille sites catholiques présentent un réel risque de disparition dans un avenir immédiat, mais, poursuit De Lamaze, il faut aussi inclure les trente mille églises qui, n’étant pas considérées comme faisant partie du patrimoine historique par l’État, sont laissées dans un état d’abandon total : sans fonds pour l’entretien et totalement sans défense contre les menaces d’incendies, de profanation et de vandalisme.

Seul un tiers des lieux de culte catholiques bénéficie d’une forme de protection de l’État, soit 15.000 sur plus de 45.000, mais les chiffres relatifs aux effondrements dus à la mauvaise ou à l’absence de conservation (et à la croissance) exponentielle de la violence antichrétienne – décuplée de 2008 à 2019, passant de 129 à 1.052 – devrait inciter l’Elysée à réfléchir à la mise à jour plus que justifiée du patrimoine historique de la nation.

La protection des sites catholiques de l’érosion du temps et la haine des anonymes anti-chrétiens n’est pas (seulement) une question de religion, la France étant l’Etat laïque par excellence, mais surtout d’attachement à l’histoire : sa propre histoire. Et aussi parce que, pour en revenir à Proust, «la Cathédrale dans son immensité, peut donner refuge au savant comme au croyant, au rêveur comme à l’archéologue ; ce qui compte c’est qu’elle reste vivante, et que du jour au lendemain, la France ne se transforme pas en un rivage aride où de gigantesques coquilles ciselées sembleraient se tarir, vidées de la vie qui les habitait, et qui ne porteraient plus jamais à l’oreille qui s’y incline, le vague murmure du passé : de simples pièces de musée, des musées eux-mêmes, froids».

Emanuel Pietrobon. (Inside Over)

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