France-Rwanda: «n’attendez pas de moi la moindre repentance !», dit l’ex-Premier ministre Édouard Balladur

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(Rome, 14 avril 2021). Exclusivité RFI – France 24. Malgré le rapport Duclert sur les responsabilités de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda, l’ex-Premier ministre Édouard Balladur ne veut pas que la France présente des excuses.

Dans un entretien exclusif accordé à RFI et France 24, l’ancien Premier ministre français Édouard Balladur affirme qu’il n’est « pas du tout d’accord » avec les conclusions du rapport remis le 26 mars dernier par l’historien Vincent Duclert sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 – un rapport selon lequel Paris porte des « responsabilités lourdes et accablantes ». Il s’insurge contre le fait que la France soit accusée, alors qu’aucun pays ni l’ONU n’est intervenu pour empêcher les massacres.

S’il admet que la France « n’a pas tout bien fait » et qu’il « aurait été heureux que [l’opération humanitaire Turquoise] se fasse plus vite », Édouard Balladur, qui a été Premier ministre de la France d’avril 1993 à mai 1995, affirme ne pas partager les « blessures » ni les « regrets » exprimés par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Alain Juppé, dans une tribune publiée le 7 avril dans Le Monde. « Chacun réagit avec le caractère qui est le sien », ajoute-t-il avec une pointe de perfidie.

Il dit ne pas savoir qui a abattu l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994 – le fait déclencheur du génocide des Tutsis –, tout en ajoutant que certains, dans les cercles du pouvoir français de l’époque, ont vite fait d’accuser le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame pour justifier une intervention en faveur du régime hutu.

Le Premier ministre de droite Édouard Balladur, qui cohabitait à l’époque avec le président de gauche François Mitterrand, insiste sur le fait que, malgré les pressions de « groupes de pression » bellicistes autour de François Mitterrand, il a évité que la France ne se lance dans une « expédition coloniale » en faveur d’un « gouvernement responsable du génocide ». Il dit à ce propos que le président français était hésitant sur la démarche à suivre et que c’est lui, Édouard Balladur, qui a fini par le convaincre que seule une intervention militaire à but humanitaire, limitée dans le temps et dans l’espace, était envisageable. « Vous avez été restrictif, et vous avez eu raison », lui aurait dit alors François Mitterrand.

Édouard Balladur défend avec vigueur l’action des militaires français de l’opération Turquoise. II dément les informations du rapport Duclert selon lesquelles, en juillet 1994, il aurait voulu faire interner par les militaires français les membres du gouvernement génocidaire qui s’étaient réfugiés dans la zone contrôlée par la France au sud-ouest du Rwanda. Il précise que la France n’avait pas de mandat pour le faire.

Interrogé sur le fait que beaucoup de Rwandais attendent aujourd’hui des excuses de la France, il répond : « Demandez à d’autres pays, mais pas à la France, car la France a fait quelque chose, alors que les États-Unis et la Belgique n’ont rien fait. » Et Édouard Balladur de clamer : « N’attendez pas de moi la moindre repentance ! »

(Radio France International-RFI)