(Rome, Paris, 09 avril 2021). Fabien Azoulay est incarcéré dans le nord-est de la Turquie depuis quatre ans et subit de nombreux sévices. Le quadragénaire a été condamné à 16 ans de prison pour la consommation d’un stimulant dont il ignorait l’illégalité. Ses avocats et sa famille ont sollicité l’Élysée.
Si vous avez vu le film Midnight Express d’Alan Parker, l’histoire de Fabien Azoulay va vous sembler familière. Il ne s’agit pas d’une fiction mais d’une triste réalité. Ce Français de 43 ans est détenu en Turquie depuis quatre ans. En 2017, il a été condamné à 16 ans de prison pour avoir consommé un produit stimulant dont il ignorait l’interdiction sur le sol turc. Ses avocats peinent à obtenir son transfèrement dans une prison française. Inquiets pour sa vie, ils ont décidé, jeudi 8 avril, de sortir cette affaire du complet silence dans laquelle elle était jusque-là. Fabien Azoulay a, selon eux, subi des tortures en détention. Ils en appellent à Emmanuel Macron.
Un stimulant sexuel interdit en Turquie
Avant sa descente aux enfers en Turquie, Fabien Azoulay tenait un spa à New-York et naviguait entre les États-Unis et la France. En 2017, il part quelques jours à Istanbul. Il y a pris rendez-vous pour se faire poser des implants capillaires. Sur place, depuis sa chambre d’hôtel, il commande sur internet avec sa carte bleue, pour sa consommation propre, du GBL. Ce solvant industriel, longtemps en vente libre, est pourtant interdit dans le pays. Interdiction que le quadragénaire dira, de bonne foi, ignoré. Le GBL est parfois détourné comme excitant, comme stimulant sexuel notamment dans la communauté gay.
Dès la livraison du produit à sa chambre d’hôtel, le Français se fait interpeller par des policiers turcs. Jugé pour consommation et trafic de drogue, il écope le 27 février 2018 d’abord de 20 ans de prison. Puis sa peine est ramenée à 16 ans et 8 mois. « Une audience expéditive et une condamnation anormalement lourde », commentent ses avocats et son comité de soutien dans un communiqué publié jeudi 8 avril.
«Il faut un geste humanitaire»
Actuellement détenu à Giresun, au bord de la mer noire, à 800 km au nord-est d’Istanbul, Fabien Azoulay est désespéré, disent ses avocats. Il est isolé et il est devenu très compliqué pour sa famille et ses amis de venir le voir. Dans les lettres qu’il parvient à envoyer à ses proches, il décrit les scènes de violences quotidiennes auxquelles il a pu assister et dont il a été la cible. Il explique n’avoir plus la force de rester en vie. « Mon client a été, en détention, victime de nombreux sévices, raconte maître François Zimeray, avocat au barreau de Paris et de Genève. Un de ses codétenus a même été condamné pour torture à son égard ».
«Il a été violé, battu, brûlé. Il est l’objet de vexations du fait de son orientation sexuelle, notamment de la part de détenus radicalisés. Il subit des scènes de conversion forcée à l’islam car il est de confession juive. Il en a perdu le sommeil».
(François Zimeray, avocat de Fabien Azoulay, à franceinfo)
François Zimeray, ex-membre du Parlement Européen et ancien ambassadeur de France chargé des droits de l’Homme ajoute : « Je sais combien les relations diplomatiques sont tendues entre Paris et Ankara mais nous connaissons aussi la volonté d’apaisement de part et d’autre. Le transfèrement en France de Fabien Azoulay serait un geste humanitaire qui participerait de cet apaisement. Il faut un geste humanitaire ».
Sollicité, l’Élysée refuse de commenter
Le torchon brûle entre le président français et son homologue ces derniers mois. Récemment, Recep Tayyip Erdogan est même allé jusqu’à interroger « la santé mentale » d’Emmanuel Macron. Et le dossier de Fabien Azoulay est d’autant plus délicat que les demandes de transfèrement de détenus avec des pays comme la Turquie se résolvent souvent en travaillant sur des demandes croisées de rapatriement de prisonniers.
Inquiets et agacés de voir leurs demandes via les voies classiques au point mort, les proches et avocats de Fabien Azoulay ont demandé jeudi 8 avril à Emmanuel Macron de s’impliquer personnellement. « Pas de commentaire », répond-on à l’Élysée. De son côté, le Quai d’Orsay fait savoir que ses services sont « pleinement mobilisés sur le sort de ce Français » et s’enquièrent régulièrement « de sa situation et de sa demande de transfèrement ». Ils soulignent aussi sans en préciser la fréquence que « notre compatriote fait l’objet de visites consulaires » en détention. (FrancetvInfo)