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Entre les sables du Sahel, l’axe Paris Rome se renforce

Rome, 03 avril 2021). La France est ensablée au Sahel. La lutte contre les organisations djihadistes qui infestent et déstabilisent la région est un intérêt national également pour l’Italie. Ceci est lié à la réponse opérationnelle que Rome donne à Paris, tandis que Berlin ralentit

L’image des hélicoptères aux moteurs engloutis par le sable qui ont constamment besoin d’entretien est représentative de la situation que traverse la France au Sahel, engagée dans une mission – «Barkane» – qui dure depuis huit ans et qui rencontre d’énormes difficultés à la restauration des conditions de sécurité entre le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Mauritanie et le Tchad.

Des zones d’intérêt national français, infestées de formations hybrides – des jihadistes engagés dans divers types d’activités criminelles – qu’Emmanuel Macron identifie avec la priorité stratégique de la lutte contre le radicalisme et le séparatisme islamique. Aussi bien à la Patrie qu’en Françe-Afrique.

Paris est en difficulté technique. L’objectif pour lequel elle a commencé la mission – sauver le Mali de la chute entre les mains des djihadistes, alors qu’on l’appelait «Serval» – s’est élargi dans une perspective globale contre les formations extrémistes, mais vise également à la (re) composition d’une sphère d’influence dans un territoire qui, comme «Le Monde» l’a récemment souligné, est également riche en ressources comme l’or et d’autres minéraux précieux.

En début de semaine, Mohammed Bazoum, le nouveau président du Niger, qui s’est retrouvé à la veille de son investiture victime d’une tentative de coup d’État, a donné une autre image sur l’état de la situation : «Un échec modeste et partagé» a défini les efforts pour contenir l’avancée des groupes djihadistes, qui sont en partie affiliés à Al-Qaïda (comme Aqmi, toujours actif dans la zone entre le Maghreb, le Sahel et le Sahara), ou les «bagdadistes» (Eigs, acronyme qui identifie la branche de l’État islamique au Grand Sahara).

Ils attaquent les civils et les forces de sécurité, font de la contrebande de toutes sortes de marchandises (de la drogue aux cigarettes en passant par les armes) et sont responsables de la traite des êtres humains. La déstabilisation produite par leurs actions violentes entraîne des déplacements internes et des migrations, mais entraîne également des phénomènes migratoires à caractère international. Un autre élément qui accroît l’intérêt national français, mais qui porte la question à un niveau supérieur, impliquant une zone qui a une valeur aussi primordiale pour d’autres nations comme l’Italie.

Rome a récemment envoyé un contingent de 200 militaires des forces spéciales pour participer à l’opération « Takuba », une complémentarité européenne à Barkhane dans le but de soutenir les Maliens de la région de Liptako et de créer une « task force » sous coordination française. Le ministre de la Défense Lorenzo Guerini a commenté, expliquant que l’envoi s’inscrit «dans le contexte d’une stratégie plus large et plus organique avec laquelle notre pays agit sur ce qui peut maintenant être défini comme le front sud avancé pour la défense de l’Europe contre l’instabilité et les infiltrations», définissant les activités italiennes en Afrique comme uniques. De la Libye, au golfe de Guinée, à la Corne de l’Afrique et expliquant que «pour obtenir des résultats encore plus solides, il est nécessaire de faire converger les efforts actuels vers une vision plus systématique sous l’égide de l’UE».

Les conditions sont délicates ; les unités djihadistes résilientes ; l’implication des gouvernements locaux (comme ceux du G5 Sahel) et l’engagement pour la sécurité de ces forces armées, ainsi que l’approfondissement des contacts avec les contextes tribaux locaux sont une valeur à exploiter plus que jamais.

Bien que, contrairement à ce qu’il a reçu de Rome, Paris a fait face au refus de Berlin. L’Allemagne est déjà engagée dans la zone, fournissant un millier de soldats entre la Minusma – mission de l’ONU au Mali – et l’EUTM au Mali (l’une des missions d’entraînement militaire de l’UE), mais n’a pas l’intention de prendre part à des missions pro-actives comme Takuba. Autrement dit, le gouvernement allemand n’a pas l’intention d’envoyer des moyens autorisés au combat.

Il existe une incompatibilité fondamentale sur les priorités de l’initiative. Pour les Français, gagner la guerre contre les groupes armés sert alors à lancer des projets de reconstruction (institutionnelle, économique, sociale et infrastructurelle), pour les Allemands il n’y a pas de subordination des étapes socio-économiques à la victoire militaire (guidée de l’extérieur). Deux agendas qui ne se croisent pas.

Le Sahel devient alors un autre domaine paradigmatique sur la manière dont le vide du pouvoir en Allemagne (fin du mandat de la chancellerie Merkel et incertitude sur l’avenir) facilite l’alignement opérationnel – sur le continent africain ou au sein de l’Union – entre la France et l’Italie. Avec les premiers qui, étant entrés dans une phase où l’engagement au Sahel est «too big to fail» (Trop gros pour tomber), ont besoin de la Rive italienne; tandis que Rome trouve au Sahel un théâtre de projection d’intérêts et d’influence qui peut également être joué sur d’autres tables.

Aussi, parce qu’en plus des difficultés techniques pour Paris, des aspects politiques et de communication commencent également à être perçus: des conditions qui exigent des victoires compte tenu de la prochaine échéance électorale pour Macron. En février, une partie de l’opinion publique française s’attendait à ce que l’Elysée sorte du sommet du G5 Sahel annonçant une réduction du contingent (plus de cinq mille hommes engagés à Barkhane, avec un coût estimé à 1 milliards d’euros). Mais ce n’était pas le cas, et entre-temps, des accusations ont été portées contre l’armée française de violences et de victimes civiles incluses dans un rapport de l’ONU. (Ndlr : Paris réfute cette accusation et émet des «réserves» sur ce rapport).

Emanuele Rossi. (Formiche)

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