(Rome, 23 mars 2021). Le phénomène de la nouvelle forme de pauvreté effraie le Liban. Plus de 60% des Libanais vivent en dessous du seuil de pauvreté et la nourriture se fait rare. Aucun accord pour la formation d’un nouveau gouvernement entre le président Aoun et le premier ministre en charge, Saad Hariri. Pendant ce temps, l’inquiétude internationale quant aux conséquences de l’instabilité politique grandit.
Toujours pas de solution à la crise politique et économique libanaise après l’échec des nouvelles négociations lundi 22 mars entre le président de la République Michel Aoun et le Premier ministre en charge de Saad Hariri. La paralysie institutionnelle du Liban dure depuis des mois avec des conséquences désastreuses sur la vie des citoyens. Au cours des 18 derniers mois, la crise économique a conduit à une dévaluation de 90% de la livre libanaise par rapport au dollar. Une situation qui inquiète l’UE et qui a poussé le Haut Représentant Josep Borrell à déclarer que le Liban « pourrait s’effondrer et qu’il est de notre responsabilité d’essayer d’empêcher que cela ne se produise », et a publié un communiqué déclarant que la situation au Liban est « déstabilisée par les pays qui utilisent la diplomatie religieuse à des fins politiques ».
Risques pour la paix au Liban
Avec 60% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, un chômage généralisé et une crise institutionnelle sans issue, l’avenir du Liban apparaît sombre et inconnu. Monseigneur Cesar Essayan, vicaire apostolique de Beyrouth, ne cache pas ses inquiétudes lorsqu’il parle d’une population épuisée et désormais intolérante quant au monde politique perçu comme incapable. Le Liban, explique-t-il, en a assez de vivre dans une « situation de guerre civile latente, alimentée par un sectarisme rigide, par un népotisme dominant et par ceux qui servent les seigneurs de guerre. L’idée d’une guerre fratricide est un cauchemar pour les Libanais, qui rejettent la violence et veulent vivre ensemble et en paix ».
La fuite des Libanais à l’étranger
«La crise économique dans laquelle nous sommes plongés, explique Tony Mikhael, entrepreneur dans le secteur des médias, ressemble à celle que nous avons vue avec l’effondrement du système soviétique et les migrations massives vers l’Occident. À l’heure actuelle, le pays manque de biens essentiels, sans compter les personnes qui veulent fuir le pays; une situation qui concerne avant tout les jeunes. Les forces du pays, celles qui avaient animé les manifestations d’octobre (le Hirak, ndlr), n’ont pas atteint leur but fixé faute d’objectifs clairs, d’un programme concret et d’un leadership alternatif à celui existant».
La crise humanitaire est imminente
Le phénomène de la nouvelle forme de pauvreté représente une réalité que le Liban vit avec consternation. L’effondrement du système bancaire, la dévaluation de la livre libanaise et l’incapacité des citoyens libanais à récupérer leur épargne ont poussé même ceux appartenant aux classes les plus aisées à rechercher l’aide auprès des associations caritatives. «Les mêmes personnes qui étaient avant la crise à la fois donateurs et soutiens financiers – explique le Père Michel Abboud, président de Caritas Liban – font actuellement la queue pour demander notre aide afin de nourrir leurs enfants. Aujourd’hui, l’aide nous vient de l’extérieur : des réseaux Caritas, des envois de fonds des émigrés et des organisations de la diaspora. Nous donnons tout ce que nous avons, mais ce n’est pas suffisant. Les gens doivent même abandonner les soins médicaux, qui sont payants au Liban, pour acheter de la nourriture ». L’appel du Père Abboud lancé au micro de Radio Vatican, vient s’ajouter à ceux qui n’ont d’autre choix que d’espérer une aide internationale. C’est maintenant une lutte pour la survie, il n’y a pas de place au superflu et aujourd’hui, même l’éducation fait partie du superflu.
Le rôle possible des chrétiens au Liban
Le Liban – comme l’a dit Jean-Paul II « est un message ». Message de coexistence possible entre différentes religions, cultures et peuples. Le Liban doit être préservé, avec tous les efforts en tant qu’espace de démocratie, de paix et de dialogue au cœur du Moyen-Orient. Telle est la tâche qui incombe avant tout aux chrétiens libanais qui doivent rechercher une unité perdue « restée dans le passée ». Monseigneur Cesar Essayan le dit sans détour: «Si la composante chrétienne fait défaut au Liban, même la vie des musulmans deviendra impossible car l’intégrisme prendra le dessus. Un processus profond de réconciliation entre chrétiens est nécessaire pour trouver un terrain d’entente qui conduira le Liban à redevenir un pays pour tous, un pays accueillant, dans lequel musulmans et chrétiens coopèrent pour la reconstruction. Mais pour que cela se produise, nous devons mettre de côté les intérêts personnels et travailler pour le bien commun ». Un appel à l’unité du pays qui s’inspire fortement du message lancé par le Pape François lors de son voyage apostolique en Irak et que le Liban voit comme la seule raison d’espérer.
(Vatican News)