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Femmes et gouverneur de la banque centrale: les nouveaux ennemis d’Erdogan

(Rome, 20 mars 2021). D’un côté, le gouvernement se retire du premier traité contraignant au monde pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes. De l’autre, il accueille le gouverneur de la banque centrale Naci Ağbal. Le tout dans une clé électorale…

Femmes et banquier central. Ce sont les nouveaux «ennemis» du président turc Recep Tayyip Erdoğan qui, d’un coup, définit les contours des politiques futures également en vue du rendez-vous électoral de 2023, où le parti présidentiel connait une baisse régulière dans les sondages. Deux nouveaux visages aimeraient en profiter: Ekrem İmamoğlu et Canan Kaftantsioglou, le Kamala turc.

D’une part, le gouvernement décide de se retirer du premier traité contraignant au monde pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes, avec toutes les conséquences sociales et culturelles de l’affaire. De l’autre, il renvoie le gouverneur de la banque central Naci Ağbal en le remplaçant par Sahap Kavcıoğlu, un ancien législateur du Parti de la justice et du développement (AKP) qui a prôné une baisse des taux d’intérêt. Une décision, prise par décret présidentiel, qui pourrait provoquer de nouvelles turbulences sur les marchés financiers turcs.

CROISADE ANTI FEMMES

Un conservatisme anachronique est à la base de la décision du gouvernement, qui fait reculer le pays bien avant les réformes d’Atatürk. La Convention d’Istanbul de 2011, signée par 45 pays et l’Union européenne, oblige les gouvernements à adopter une législation qui poursuit la violence domestique, ainsi que le viol conjugal et les mutilations génitales féminines. Selon le parti au pouvoir, ce tableau nuit à l’unité familiale, encourage le divorce et se prête aux souhaits de la communauté LGBT. Le gouvernement a donc décidé de prendre du recul avec le décret de sortie (de la Convention) déjà publié au journal officiel, suscitant la contestation des citoyens et des associations émus par la prise de conscience que la situation reste très grave. Il y a quelques semaines à Diyarbakir, dans la province sud du pays, une femme de 34 ans a été brutalement tuée par son frère, capturée par des caméras de sécurité, après avoir dénoncé à plusieurs reprises sa crainte de subir les violences de la même cellule familiale.

Mais la plupart des organisations de femmes de la région ont été fermées à la suite des décrets présidentiels émis lors de l’état d’urgence de 2016: c’était l’époque du prétendu coup d’État que le gouvernement a utilisé cette contingence pour imposer une série de mesures restrictives qui n’avaient rien à voir avec la prétendue insurrection des militaires, tels que la fermeture des centres pour femmes. Sans compter que de nombreuses femmes ont été détournées de leur lieu de travail considéré trop «masculin» comme les chauffeurs de bus.

LA LIVRE EN DESCENTE ?

Ağbal n’a duré que quatre mois: il a été nommé en novembre dernier après que la livre ait atteint un plus bas niveau historique (8,58 pour un dollar). Dans un premier temps, il a augmenté le coût d’emprunt pour les banques de 10,25%, ce qui a attiré l’attention des investisseurs étrangers. Il y a deux jours, il a relevé les taux d’intérêt de 200 points de base, promettant de ralentir l’inflation, la faisant passer de 15,6% actuellement, à 5%. Erdoğan, quant à lui, estime que les taux d’intérêt élevés sont inflationnistes. Afin d’éviter les mauvaises surprises, les citoyens turcs se sont caractérisés au cours des douze derniers mois par une stratégie orientée vers l’accumulation d’or, de dollars et d’euros. En effet, les dépôts en devises représentent actuellement plus de la moitié du total des dépôts dans le système bancaire.

Pendant ce temps, les marchés annoncent des inquiétudes et des tensions liées à ce limogeage et les bourses qui rouvriront la semaine prochaine donneront un signal concret en ce sens, également parce que le nouveau gouverneur de la banque central est essentiellement un homme de parti, qui répond donc au président plutôt qu’aux règles de la finance. Sahap Kavcioglu est un économiste dans le passé au service de banques telles que Halkbank et Vakifbank, également chroniqueur dans un journal pro-gouvernemental où il a toujours soutenu la thèse d’Erdogan sur les taux d’intérêt bas. Il était auparavant député du parti au pouvoir.

La livre turque avait marqué un avantage avec des gains connexes sur tous les principaux concurrents des marchés développés et émergents jeudi dernier. La situation générale du pays est cependant assez préoccupante, également en raison des dernières données sur le travail qui montrent un écart important d’environ 17 points de pourcentage entre le taux de chômage officiel et celui fondé sur une définition plus large et plus réaliste du chômage, qui est à plus de 30%. Le nombre réel de chômeurs dans le pays est donc d’environ 10,7 millions, soit près de 7 millions de plus que le taux officiel publié par le gouvernement. De plus, en regardant les données publiées par Eurostat, nous passons d’un chômage estimé de 15,3% au premier trimestre 2018 à 24,4% au troisième trimestre 2020, en scannant une image différente de celle du discours du président.

Francesco De Palo. (Formiche)

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