Irak: les blessures de ce massacre de l’EI jamais oubliées

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(Rome, 05 mars 2021). Là où jusqu’en 2017 les drapeaux noirs du califat étaient agités, aujourd’hui les drapeaux du Vatican et les banderoles annonçant la visite du pape François apparaissent majoritairement. Le climat d’espoir qui règne dans la plaine de Ninve fait paraître lointaine la persécution subie par les chrétiens depuis 2014. Cette année-là, l’EI, en conquérant une grande partie des provinces du nord de l’Irak, a entamé «l’extermination» des chrétiens.

2014: l’enfer tombe sur l’Irak

C’était le 5 juillet 2014: à Mossoul, deuxième ville du pays et capitale de la province de Ninive, Abou Bakr Al Bagdadi, fondateur et dirigeant de l’Etat islamique, était monté sur le podium de la grande et historique mosquée d’Al Nouri. Ses paroles, prononcées devant ses partisans, ont marqué le début de la tragédie à ce moment-là: le califat était en fait officiellement proclamé. L’Etat islamique, qui contrôlait une partie du territoire syrien depuis quelques années, essayait de se structurer en État. Et dans les zones conquises, il a imposé une interprétation stricte de la loi islamique, qui ne laissait aucune places aux minorités religieuses. Il n’est jamais venu à l’esprit de Bagdad qu’une organisation comme l’EL avancerait si vite dans le nord du pays. Un cauchemar capable d’engloutir tout le monde, même les musulmans qui n’ont pas accepté la pose de drapeaux noirs. L’Irak au cours de ces mois a été pris par surprise. On a longtemps pensé que la guerre civile syrienne pourrait également affecter son territoire.

L’armée irakienne a fondu dans les provinces d’Al Anbar et de Ninive comme neige au soleil. Là où des milliers de chrétiens ont résidé pendant des siècles, le califat a dicté ses règles rigides et cruelles. Pendant trois ans, jusqu’en 2017, les régions du nord de l’Irak ont ​​vécu un véritable enfer. Ce sont principalement les chrétiens qui ont payé le prix fort.

La fuite des chrétiens

Les persécutions menées contre les chrétiens ne pouvaient certainement pas être subies passivement par les victimes, qui n’avaient d’autre choix que d’abandonner leur propre terre. Une décision douloureuse d’abandonner la stabilité personnelle dans un territoire où les chrétiens avaient donné naissance à deux mille ans d’histoire. Une tentative d’évasion nécessaire pour sauver sa vie, l’atout le plus précieux. Ainsi, les chrétiens irakiens, privés de tout ce qu’ils possédaient à cause de la persécution, ont fui les villes du Nord pour se rendre au Kurdistan irakien voisin, une entité fédérale autonome par rapport à Bagdad.

Là, ils se sont retrouvés sans domicile, sans effets personnels, sans fondations solides pour recommencer une nouvelle vie, mais dans un territoire qui connaissait le sens des persécutions et pouvait se montrer solidaire par tous les moyens disponibles. La grande majorité des réfugiés sont concentrés dans la capitale Erbil, où plus de 1.600 camps de réfugiés ont été mis en place pour assurer l’accueil des personnes déplacées face à plus de 2 millions de déplacés. Certains d’entre eux ont eu la chance d’être hébergés par des proches, mais la situation était très difficile à gérer. Le Kurdistan irakien a souvent appelé l’Europe à l’aide en vain, et a du gérer la gestion seul face à l’urgence.

Le début de la reconstruction

Mossoul, ainsi que la plaine environnante de Ninive, sont désormais libre de l’oppression du califat. Même si, cependant, l’Etat islamique n’a jamais disparu. Les terroristes continuent de menacer à la fois les militaires et les civils et en particulier les chrétiens. Cependant, quelque chose a commencé à bouger: « 45% des personnes qui ont dû partir pendant l’occupation de l’Etat islamique, selon Alessandro Monteduro, directeur de l’Aide à l’Église en détresse, sont récemment rentrées ». De nombreuses églises ont été reconstruites. Les chrétiens des villes où historiquement ils ont toujours eu un rôle social et culturel important ont trouvé des endroits où ils peuvent aller à la messe.

Immédiatement après la fin de la guerre contre le califat, le Comité de reconstruction de Ninive a été formé. La tâche était justement de restituer les lieux de culte aux chrétiens: « Ce n’était pas facile – dit Monteduro – parce qu’il fallait réunir les représentants de toutes les communautés chrétiennes présentes dans le nord de l’Irak ». Une route en pente, constamment parcourue depuis quatre ans: « nous avons pris l’initiative de planter un olivier pour chaque église reconstruite ». L’espoir est que cette bande du Moyen-Orient puisse à l’avenir avoir de plus en plus d’endroits couverts d’oliviers.

Et maintenant l’arrivée du Pape est attendue.

L’arrivée du pape François est l’emblème de ce grand changement sonne comme un sceau au retour des chrétiens irakiens dans leur patrie et à la poursuite de leur histoire interrompue pendant environ trois ans. Ils sont à nouveau un élément fondamental de l’État irakien. Les villages de chrétiens regorgent d’images du Pape et les drapeaux du Vatican flottent avec ceux de l’Irak.

Des églises pleines de fidèles, des femmes qui préparent les chœurs à la messe célébrée par le Saint-Père, sont des images d’une normalité atteinte après des années de souffrance et qui nous font presque oublier les moments les plus terribles. Mais il y a toujours la conscience de ne rien prendre pour acquis. La vigilance reste élevée. Ce sera la première fois qu’un pontife mette les pieds en Irak. Dans le passé, Jean-Paul II avait tenté de visiter le territoire irakien mais les conditions de sécurité précaires ont tout fait exploser. Le pape François voyagera à bord d’une voiture blindée, tandis que la «papamobile» sera utilisée le dimanche 7 mars au stade d’Erbil lors de la célébration de la messe. Ces précautions servent également à rappeler à tous ce qui s’est passé en Irak entre 2014 et 2017.

Mauro Indelicato, Sofia Dinolfo. (Inside Over)