(Rome, Paris le 26 février 2021). L’ère Joe Biden à la Maison Blanche commence au niveau international avec son premier raid en Syrie. Comme l’a confirmé le Pentagone, le président des États-Unis a ordonné un bombardement de sites qui, selon les renseignements américains, sont utilisés par des miliciens pro-iraniens dans l’est du pays. « Ces raids ont été autorisés en réponse aux récentes attaques contre le personnel américain et celui de la coalition en Irak, et aux menaces persistantes contre ce personnel », a déclaré le porte-parole de la Défense John Kirby, qui a précisé que l’attaque avait eu lieu expressément « sur ordre du président », ciblant des sites «utilisés par divers groupes militants soutenus par l’Iran, y compris Kataëb Hezbollah et Kataëb Sayyid al-Chuhada». Pour Kirby, le raid «envoie un message sans équivoque: le président Biden agira pour protéger le personnel de la coalition américaine. Dans le même temps, nous avons agi de manière délibérée pour calmer la situation à la fois dans l’est de la Syrie et en Irak ».
La décision de Biden intervient à un moment très délicat dans l’équilibre du Moyen-Orient. Une escalade contre les forces américaines en Irak a commencé le 15 février, menant à plusieurs attaques contre les troupes américaines. Les forces pro-iraniennes, présentes en Irak qui ont toujours été un véritable talon d’Achille de la stratégie américaine au Moyen-Orient, sont dans le viseur des forces Américaines. Le pays qui a été envahi par ces derniers en 2003 est en effet devenu ces dernières années l’un des partenaires majeurs de l’adversaire stratégique de Washington, Téhéran. Et il ne faut pas oublier que c’est précisément en Irak que le prédécesseur de Biden Donald Trump a ordonné le raid pour tuer le général iranien Qassem Soleimani. Un geste que Bagdad avait manifestement condamné, étant donné que le territoire sous autorité irakienne est devenu un champ de bataille entre deux puissances étrangères.
Cette fois, c’est la Syrie qui a été touchée. Et cela indique déjà une stratégie précise de la Maison Blanche. Frapper la Syrie en ce moment est la même chose pour le Pentagone que frapper un territoire avec une autorité qu’il ne reconnaît pas et qu’il a tenté de renverser. Une situation très différente par rapport à l’Irak, où les Etats-Unis veulent plutôt empêcher le pays de se retourner contre les forces présentes (sur le territoire) et où il y a un gouvernement que l’Amérique reconnaît comme un interlocuteur. Le fait que le raid soit arrivé en Syrie mais en réponse aux attaques en Irak indique qu’il n’y a aucune intention de créer des problèmes (supplémentaires) pour le gouvernement irakien.
L’attaque confirme également un autre problème pour l’administration américaine. La présence de milices pro-iraniennes en Syrie et en Irak est un nœud qui est loin d’être résolu. Depuis un certain temps, les généraux américains avaient demandé à la Maison Blanche sous Trump d’éviter le retrait des troupes de Syrie précisément pour exclure la possibilité que les forces liées à Téhéran reprennent pied dans la région. Trump, récalcitrant, a néanmoins accepté les demandes du Pentagone (et d’Israël) en évitant un retrait rapide des forces américaines. Pour la défense américaine, il y avait aussi le risque d’un renforcement de la présence russe (Moscou a condamné l’attentat, parlant « d’une action illégitime qu’il faut condamner catégoriquement »). Ce retrait ne s’est jamais concrétisé, se transformant en un fantôme qui a parcouru pendant de nombreux mois les couloirs du Pentagone et de la Maison Blanche, est l’une des promesses du président républicain: la fin des «guerres sans fin», est abandonnée.
De toute façon, le raid américain n’indique pas le retour en force de l’Amérique en Syrie. Le bombardement était très limité et dans une zone qui a longtemps été dans le viseur des forces américaines au Moyen-Orient. Mais le facteur «négociation» ne doit pas être oublié. Les États-Unis sont en train de négocier avec l’Iran pour rentrer dans l’accord sur le programme nucléaire: mais pour ce faire, ils doivent montrer les muscles. Comme le rapporte le « Corriere della Sera », Barack Obama avait coutume de dire que « vous négociez avec l’arme derrière la porte ». Trump l’a fait en sortant de l’accord, en tuant Soleimani et en envoyant des bombardiers stratégiques et des navires dans le golfe Persique. Biden a changé les cartes: il a opté pour un frein sur les accords avec les monarchies arabes pour faire comprendre qu’il n’est pas aligné sur la politique de Trump, gelant les F-35 aux Emirats et les armes aux Saoudiens (au) Yémen. Mais en même temps, il voulait envoyer un signal directement à l’Iran en frappant les milices à la frontière entre l’Irak et la Syrie. Différentes tactiques, différentes stratégies, mais avec un objectif commun: l’Iran.
Lorenzo Vita. (Inside Over)
(Photo-Ticino News)