Arménie: ce que l’on sait sur la tentative de coup d’État

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Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a dénoncé ce jeudi une tentative de coup d’Etat. Il a pris la tête d’une manifestation dans les rues d’Erevan, la capitale.

La défaite militaire, à l’automne dernier, a laissé des traces. En Arménie, le Premier ministre Nikol Pachinian vit depuis plusieurs semaines sous la pression de l’opposition, qui réclame sa démission en raison de la débâcle dans le Haut-Karabakh face à l’Azerbaïdjan, vécue comme une humiliation nationale.

Erevan contrôle encore, grâce à la présence de séparatistes arméniens, l’essentiel de cette région, mais a perdu la ville symbolique de Choucha, ainsi qu’un glacis de régions azerbaïdjanaises entourant la zone qu’elle contrôlait depuis les années 1990. La pression est encore montée d’un cran ce jeudi après une dénonciation par le Premier ministre en personne d’une tentative de coup d’État.

Limogeage d’un membre de l’état-major

Tout commence mercredi. Nikol Pachinian limoge Tigran Khatchatrian, l’adjoint du général Gasparian. Ce dernier s’était moqué dans la presse de ses déclarations mettant en cause la fiabilité d’un système d’armement russe, les lance-missiles Iskander, durant le conflit du Karabakh. En réaction, l’état-major réclame la démission du Premier ministre dans un communiqué, jugeant ce dernier « plus en mesure de prendre les décisions qui s’imposent ».

Le Premier ministre manifeste dans la capitale

Contre-attaque du Premier ministre, ce jeudi. « Je considère que la déclaration de l’état-major est une tentative de coup d’Etat militaire. J’invite tous nos partisans à se rassembler place de la République » à Erevan, écrit sur sa page Facebook Nikol Pachinian, annonçant dans la foulée le limogeage du général Onik Gasparian.

Le pas décidé, mégaphone en main, le Premier ministre de 45 ans a bien pris la tête d’un cortège constitué de 20.000 de ses partisans, en début d’après-midi. « L’armée ne peut pas prendre part aux processus politiques et doit obéir au peuple et aux autorités élues », a lancé Nikol Pachinian. « La situation est tendue mais tout le monde est d’accord qu’il ne doit pas y avoir d’affrontements (…) la situation est gérable », a-t-il ajouté, qualifiant l’appel des militaires à son départ de « réaction sous le coup de l’émotion ». « Nous avons besoin de dialogue plutôt que de confrontation », a-t-il également déclaré, la foule l’applaudissant et scandant son nom. Nikol Pachinian a en outre estimé que les généraux ayant réclamé sa démission restaient des « frères ».

Le ministère arménien de la Défense a dénoncé, de son côté, des « tentatives » inadmissibles de politiser l’armée. « L’armée n’est pas une institution politique et les tentatives de l’impliquer dans des processus politiques sont inacceptables », a-t-il souligné, ajoutant que de telles démarches constituent « une menace à la stabilité et à la sécurité » de l’Arménie.

… Et l’opposition aussi

L’opposition a elle aussi appelé à manifester jeudi, à Erevan, contre le Premier ministre. Entre 10.000 et 13.000 personnes se sont rassemblées pour réclamer le départ du chef du gouvernement à un kilomètre de la manifestation menée par Nikol Pachinian. Sur les réseaux sociaux, des vidéos font pourtant état de premiers affrontements entre « pro » et « anti » Pachinian.

« La déclaration de l’armée est un tournant. Nous appelons Nikol Pachinian à ne pas mener le pays vers la guerre civile et une effusion de sang. Pachinian a une dernière chance de partir sans qu’il y ait de troubles », a jugé le parti Arménie Prospère, principale formation d’opposition.

Le président arménien et le Kremlin appellent au calme

Le président arménien Armen Sarkissian, aux fonctions largement honorifiques, dit travailler à « des mesures urgentes » pour désamorcer la crise en Arménie. Mais sans les préciser. « J’appelle chacun – organes d’Etat, forces de l’ordre, forces politiques et tous les citoyens – à la retenue et au bon sens », a-t-il ajouté.

Le Kremlin, se disant « préoccupé » par la situation, a appelé « au calme » dans cette ex-république soviétique du Caucase, un allié traditionnel de la Russie. La Turquie, ennemi juré de l’Arménie, a dit pour sa part « fermement » condamner la « tentative de putsch » en Arménie. « Nous nous opposons aux coups d’Etat ou aux tentatives de coup d’Etat partout dans le monde. Par conséquent, nous condamnons fermement la tentative de putsch en Arménie », a déclaré le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu lors d’une conférence de presse à Budapest avec son homologue hongrois.

(L’Express)