Libye: un premier ministre libyen de transition élu

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Les participants au dialogue inter-libyen réunis sous les auspices de l’ONU en Suisse ont désigné vendredi Abdel Hamid Dbeibah comme Premier ministre par intérim, ainsi que les trois membres du Conseil présidentiel, un vote surprise pour préparer le scrutin national prévu en décembre.

Cette équipe temporaire devra «réunifier les institutions de l’Etat et assurer la sécurité» jusqu’aux élections, a souligné l’ONU, alors que le pays est en proie au chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011.

Deux autorités s’y disputent le pouvoir sur fond d’ingérences étrangères: dans l’Ouest, le Gouvernement d’union nationale (GNA à Tripoli), reconnu par l’ONU et soutenu par la Turquie, et une autorité incarnée par Khalifa Haftar, homme fort de l’Est, soutenu par la Russie et les Emirats arabes unis notamment.

Réunis depuis lundi dans le canton de Vaud, les 75 membres du Forum du dialogue politique libyen (FDPL) ont voté en faveur de la liste d’Abdel Hamid Dbeibah avec 39 voix sur 73.

Originaire de Misrata (nord-ouest), cet ingénieur, fondateur du mouvement Libya al-Mostakbal, a occupé un poste clé sous le régime Kadhafi en présidant la Compagnie libyenne d’investissement et de développement (Lidco).

Son colistier Mohammed Younes el-Menfi, originaire de Cyrénaïque (est), a pour sa part été élu président du Conseil présidentiel transitoire.

Ce diplomate sera épaulé par deux vice-présidents: Moussa Al-Koni, un Touareg, et Abdallah Hussein Al-Lafi, un député de Zaouia (ouest).

La liste de M. Dbeibah faisait figure d’outsider par rapport à celle du puissant ministre de l’Intérieur Fathi Bashagha et du président du Parlement Aguila Saleh.

Ces derniers mois, après des années d’impasse et de violences meurtrières, des progrès politiques «tangibles» ont été accomplis dans ce riche pays pétrolier, s’est récemment félicité le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, avec un cessez-le-feu et un rebond de la production pétrolière, secteur névralgique de l’économie.

Le Premier ministre désigné devra «dans un délai ne dépassant pas 21 jours, former son cabinet», a expliqué vendredi l’émissaire par intérim de l’ONU en Libye Stéphanie Williams.

Il disposera ensuite de 21 jours supplémentaires pour obtenir le vote de confiance au Parlement. En cas d’échec, la question sera tranchée par les participants au dialogue inter-libyen, a-t-elle dit.

Un premier tour avait eu lieu mardi mais aucun des candidats n’ayant atteint le seuil des 70% des voix requises, un second tour a été organisé vendredi sous le format de listes cette fois.

«Vous avez surmonté vos différences, vos défis dans l’intérêt de votre pays et du peuple libyen», s’est félicitée Mme Williams.

La prudence reste néanmoins de mise: plusieurs accords ont été conclus ces dernières années mais sans être appliqués. Et même si cette désignation constitue une avancée, le Premier ministre désigné va devoir affirmer rapidement sa légitimité sur le terrain auprès d’une myriade d’acteurs politiques, dont certains ont déjà pris leurs distances avec les pourparlers de Genève.

Après l’échec d’une offensive lancée par le maréchal Haftar en avril 2019 pour conquérir Tripoli, les deux camps avaient conclu un cessez-le-feu en octobre et retrouvé le chemin du dialogue.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a ordonné jeudi à Antonio Guterres de déployer une avant-garde d’observateurs du cessez-le-feu en Libye.

«Le nouvel exécutif unifié doit soutenir et appliquer pleinement l’accord de cessez-le-feu. Cela nécessitera une action audacieuse et déterminée de la part du nouveau gouvernement (…) y compris le retrait de toutes les forces étrangères et des mercenaires», a indiqué Mme Williams.

Elle a également appelé le nouvel exécutif à «lancer un processus global de réconciliation nationale basé sur les principes de la justice transitionnelle» et «à promouvoir la culture de l’amnistie et de la tolérance parallèlement à la recherche de la vérité et des réparations».

Dans une première réaction étrangère à cette élection, la diplomatie russe a dit souhaiter à la nouvelle équipe «de résoudre avec succès toutes les tâches difficiles de la période de transition», dont l’organisation d’un référendum constitutionnel et des élections générales.

Le dialogue inter-libyen a été lancé en Tunisie en novembre 2020, et ses participants se sont mis d’accord sur la tenue d’élections «nationales» le 24 décembre 2021. (Le Matin)