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Libye: la diplomatie du Caire, nouvel obstacle aux projets d’Ankara

(Rome 01 janvier 2021). La visite de la délégation égyptienne à Tripoli, le 27 décembre, a mis en évidence la vulnérabilité de la stratégie de la Turquie en Libye, qui prévoit une défaite définitive de l’une des deux parties en guerre.

Cela a été rapporté par le quotidien al-Monitor, à la lumière des événements qui ont caractérisé le paysage libyen la semaine dernière et qui ont impliqué deux acteurs étrangers, l’Égypte, partisan de l’Armée nationale libyenne (ANL), dirigée par le général Khalifa. Haftar et la Turquie, un allié du gouvernement de Tripoli, également connu sous le nom de gouvernement d’accord national (GNA). En particulier, le bilatéral entre Tripoli et Le Caire, le premier depuis 2014, a représenté un «mouvement inhabituel» pour l’Égypte.

Lors de la rencontre avec les hauts responsables politiques et militaires du GNA, dont le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Siala, les deux parties ont discuté de la sécurité et du renseignement, mais ont également envisagé la possibilité de rouvrir la mission diplomatique égyptienne à Tripoli et reprendre les vols entre les deux capitales. Parmi les participants figurait également le ministre de l’Intérieur de Tripoli, Fathi Bashagha, connu pour avoir tissé des liens avec la Turquie. C’est pourquoi, selon al-Monitor, le mouvement égyptien est un geste qui pourrait mettre en péril ce qu’Ankara a gagné jusqu’à présent dans ce pays d’Afrique du Nord, où c’est précisément son intervention qui a inversé le cours du conflit libyen en faveur du GNA.

La visite du 27 décembre est également à replacer dans un contexte de nouvelles tensions verbales entre la Turquie et le général Haftar. Plus précisément, ce dernier a exhorté, le 24 décembre, son armée à «nettoyer le pays» des forces turques, après que le parlement d’Ankara a approuvé une motion prévoyant la prolongation de la mission en Libye pour 18 mois supplémentaires. Pour Haftar, cependant, il n’est pas possible de parler de paix ou de sécurité tant que « les bottes des forces armées turques continuent de profaner le sol immaculé » de la Libye. De son côté, la Turquie n’a pas hésité à répondre et, le 27 décembre, le ministre turc de la Défense Hulusi Akar, accompagné de responsables militaires, a également effectué une visite inattendue en Libye, au cours de laquelle il a déclaré que Haftar et ses alliés pourraient devenir une «cible légitime» si le personnel turc était attaqué.

Alors que la confrontation verbale a fait craindre de nouvelles tensions sur le terrain, selon al-Monitor, ce qui semble pertinent est la compétence diplomatique tout aussi « inattendue » mise en jeu par l’Egypte. La visite à Tripoli, souligne le quotidien, est le signe d’un tournant dans les relations entre Le Caire et le gouvernement de Tripoli, et laisse présager une nouvelle ère dans les relations entre les deux parties. Pour confirmer cela, le lendemain de la visite dans la capitale libyenne, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a eu une conversation téléphonique avec Siala, soulignant que la réunion du 27 décembre était une étape importante visant à promouvoir la coopération entre les deux parties. Enfin et surtout, la visite de la délégation égyptienne a également été saluée par le Parti de la justice et de la construction, la branche politique des Frères musulmans libyens, définis comme un «ennemi acharné» de l’Égypte. Le groupe, qui au fil des ans n’a compté que sur le soutien du Qatar et de la Turquie, a invité Le Caire et Tripoli à travailler ensemble pour la stabilité de la Libye, malgré les différences entre eux.

À ce jour, rapporte al-Monitor, il n’est pas possible d’établir si le rapprochement entre l’Égypte et le GNA conduira à une réduction effective de l’influence turque dans ce pays d’Afrique du Nord. Ce qui est certain, cependant, c’est que l’Égypte a clairement renforcé son rôle dans le processus de réconciliation libyenne et tente de bâtir une relation de confiance avec le gouvernement de Tripoli. D’un autre côté, le GNA a peut-être considéré la visite du 27 décembre comme une reconnaissance officielle de son voisin égyptien, bien que ce dernier ait soutenu son rival Haftar pendant le conflit. De même, les responsables turcs peuvent penser que le Caire se rapproche de la position d’Ankara, reconnaissant le statut légitime du GNA, qui est déjà depuis longtemps soutenu par la Turquie.

Cependant, selon al-Monitor, qu’elle contribue ou non à créer un nouvel équilibre des forces sur le terrain, la décision égyptienne doit être considérée comme un succès. En établissant des liens avec le gouvernement de Tripoli sans rompre ses liens avec les forces de Benghazi et de Tobrouk, le Caire tente d’entrer, de manière «intimidante», dans une arène où la Turquie a cherché à renforcer son influence politique, militaires et financiers, forçant les groupes du gouvernement de Tripoli à considérer le Caire dans leurs décisions futures. De plus, ce n’est pas la première fois que l’Égypte dépasse la Turquie dans le domaine libyen. Le premier mouvement révolutionnaire remonte au mois d’août, lorsque le Caire a accueilli des pourparlers sous la médiation de l’ONU entre des groupes libyens rivaux. La visite du 27 décembre représenterait une nouvelle étape dans cette politique.

Dans ce contexte, selon des sources médiatiques égyptiennes, la visite du 27 décembre avait également pour objectif d’empêcher une éventuelle opération militaire du GNA près de Syrte et d’al-Jufra, régions stratégiques sous le contrôle de Haftar, ainsi que dans le soi-disant Croissant pétrolier, à un moment où, selon des responsables égyptiens, la Turquie et Tripoli se préparaient effectivement à un mouvement militaire soudain. Enfin, l’Égypte préférerait éviter un renforcement de la Turquie et des Frères musulmans près de ses frontières occidentales. Pour cette raison, rapporte al-Monitor, l’objectif du Caire est de freiner l’influence turque par la diplomatie, sans s’engager dans des conflits militaires.

Dans ce contexte, le GNA cherche à diversifier ses liens avec les puissances régionales et mondiales, dont l’Égypte, afin de renforcer sa position internationale, tandis qu’Ankara continue de désirer une victoire définitive du gouvernement de Tripoli, transformant sa présence militaire croissante dans l’ouest de la Libye dans une carte à jouer pour assurer un rôle dans les futurs processus de négociation. Cependant, selon al-Monitor, les liens croissants entre l’Égypte et le gouvernement d’accord national pourraient saper les efforts d’Ankara, ainsi que l’accord signé avec Tripoli le 27 novembre 2019, qui, bien qu’il soit devenu pilier des revendications turques en Méditerranée orientale, n’a pas encore été ratifié par le Parlement.

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