(Rome 29 décembre 2020). L’Égypte trouve un espace dans la phase de dialogue autour de la crise libyenne. Le Caire rend visite à Tripoli et maintient la Cyrénaïque stable. Il se déplace en concurrence avec d’autres acteurs car il vise un rôle central.
Le 26 décembre, une délégation de hauts responsables du renseignement égyptien a effectué une visite officielle à Tripoli pour la première fois depuis des années. Les réunions ont également eu lieu dans le bâtiment qui abritait l’ancienne ambassade égyptienne (non loin de celle d’Italie), et des rumeurs circulent selon lesquelles le poste diplomatique sera rouvert prochainement – cela signifie que le Caire sera parmi les rares pays (dont la Turquie et l’Italie) à ouvrir un bureau actif dans le pays. A la tête de la mission égyptienne était Ayman Badi, chef adjoint du service de renseignement général, qui a rencontré le vice-premier ministre (et vice-président du conseil présidentiel), Ahmed Maiteeg, et le ministre de l’Intérieur Fathi Bashaga.
Pendant longtemps, les relations entre Le Caire et Tripoli étaient réduites au minimum, l’Egypte soutenant les ambitions de l’homme fort de Cyrénaïque, le général Khalifa Haftar, qui tentait de renverser le gouvernement du GNA que l’ONU a installé il y a cinq ans dans la capitale libyenne. Mais maintenant le Caire cherche un rôle différent, plus central et plus potable au niveau international.
La raison pour laquelle les responsables égyptiens qui se sont rendus en Libye étaient dirigés par Badi, est liée au fait qu’Abdel Fattah al-Sissi commande la tâche de premier médiateur. Après les menaces de guerre face aux actions militaires avec lesquelles la Turquie – en soutenant le GNA – a vaincu Haftar, et après s’être rendu compte que le traçage des lignes rouges était un intérêt mutuel avec Ankara (qui ne peut pas aller plus loin), le Caire, cet été, a servi de cadre (géo) politique pour le lancement de l’initiative de dialogue du président du parlement, Aguila Saleh, qui avait tenté de se détacher du lien avec Haftar.
L’initiative est nommée «la proposition du Caire» où la situation géographique de l’annonce sert à former l’ombre du défi politique égyptien. La proposition a été suivie et examinée par la communauté internationale, même en Italie, car tout le monde espère une solution pacifique et partagée pour la Libye mais il y a peu d’idées, c’est pourquoi celles qui sortent presque indépendamment, sont exaltées. La feuille de route de Saleh avait déjà redonné du lustre à l’Égypte, qui parmi les sponsors de Haftar est la plus directement intéressée par la Libye et (particulièrement, ndlr) la Cyrénaïque (pour la continuité géographique et les connexions) mais qui a joué pendant certaines périodes un rôle presque secondaire derrière les Émirats arabes unis et la Russie. L’instabilité le long de l’une de ses frontières, surtout si elle est liée à la présence turque en Tripolitaine, est une condition insoutenable pour l’Égypte.
Ayant abandonné, mais pas définitivement, l’idée de recourir à la force, le Caire a tenté de retrouver une position centrale en termes de négociations. Et c’est là qu’il continue de bouger. Parmi les discussions le Caire-Tripoli construites ces derniers mois avant la réunion d’il y a quelques jours, il y a en effet le mécanisme «5 + 5», qui implique cinq officiers supérieurs nommés de chaque côté et est l’un des plus importants pour garantir la conclusion du cessez-le-feu.
Cependant, penser que l’Ouest libyen reconnaît l’Egypte comme son principal interlocuteur après la visite, serait naïf. D’autre part, le soutien au GNA est également constitué de factions liées aux Frères musulmans que le Caire considère comme une organisation terroriste. Les responsables de la Tripolitaine, la veille de la visite égyptienne, avaient reçu le ministre turc de la Défense Hulusi Akar, qui avait annoncé qu’il considérait les forces de Haftar comme des cibles légitimes et qu’il gérait la structuration des bases turques (permanentes) et des centres de formation des différents départements du GNA que la Turquie organise.
Les divisions demeurent, et elles sont marquées. La semaine dernière, le chef du renseignement égyptien, Abbas Kamel, s’était rendu en Cyrénaïque où il avait rencontré Saleh, qui, selon un programme également partagé par l’ONU, aurait dû faire partie d’un couple pour créer un leadership intérimaire avec Bashaga (qui en novembre, avait été au Caire pour chercher une approbation, sans excellents résultats). Kamel est allé à Tobrouk voir Saleh, mais aussi à Benghazi chez Haftar. Badi a également rendu visite à Haftar, qui a récemment récupéré de l’espace alors que le plan de contact de l’ONU rencontre des difficultés.
Une reprise qui a des dimensions compétitives avec d’autres acteurs de première ligne, comme la Turquie, mais aussi avec des acteurs secondaires comme l’Italie, qui a toujours recherché le dialogue avec les deux parties. Une reprise destinée également à plaire à la nouvelle administration américaine, qui aura moins de patience dans la rhétorique contre les régimes autoritaires, mais qui continuera à faire appel à des tiers pour gérer des crises aussi éloignées dans la liste des priorités que la Libye.
Ferruccio Michelin. (Formiche)