Gaz et géopolitique: les inquiétudes allemandes à propos de la Turquie

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(Rome 04 décembre 2020). Le journal allemand Handelsblatt définit la Turquie comme un obstacle majeur à la réalisation des objectifs de l’OTAN pour la prochaine décennie, citant la déclaration d’un représentant de l’un des principaux États membres de l’Alliance.

« La stratégie consistant à traiter la Turquie à l’amiable pour ne pas la perdre en tant qu’alliée touche clairement à sa fin ». Le porte-parole d’un important pays de l’OTAN a ainsi déclaré à Bruxelles. Des propos rapportés ensuite par le journal allemand Handelsblatt, qui souligne le manque de coordination dans les décisions importantes telles que le cas de la Turquie, pour toute la partie euro-méditerranéenne qui va de la Libye à Israël.

PARIS ET BERLIN

Entre Paris et Berlin, il y a une crainte (pas seulement ces dernières semaines): que le président turc, également sous pression par la situation économique instable, puisse reproduire les mouvements désordonnés mis en scène en Libye et en Mer Égée également sur d’autres fronts, sachant que le dossier énergie représente le véritable et unique test décisif des alliances et des postures.

Pour cette raison, et au vu de l’inutilité de la phase diplomatique menée jusqu’à présent avec Ankara, des projets alternatifs sont à l’étude. Selon le ministre allemand des Affaires étrangères Haiko Maas, l’OTAN, que le président français Emanuel Macron avait décrite il y a des mois comme « en état de mort cérébrale », a désormais besoin d’une « thérapie cellulaire fraîche ». Autrement dit, tous les alliés, soutient Maas, devraient être politiquement plus proches les uns des autres. Mais il est assez clair qu’en raison de certaines tensions internes, a ajouté le quotidien financier allemand, il est extrêmement incertain que les objectifs puissent être atteints « lorsque les propositions en Turquie auront été critiquées avant même d’être présentées ».

LA TURQUIE

Il est peu probable que la Turquie «se mette d’accord sur des propositions qui pourraient affaiblir sa marge de manœuvre», note Handelsblatt. Il s’agit du droit de veto qu’elle pourrait exercer, non pas en tant que membre, mais en tant que sujet «sui generis» (par sa situation singulière). En fait, il ne faut pas oublier qu’Ankara entrave la coopération de l’OTAN avec des pays tiers comme l’Autriche depuis des années, sans compter d’autres fronts de tension comme l’intervention turque en Syrie, l’achat controversé du système de missiles russe S-400, le contraste avec le Dossier F-35 (avec la réponse rapide de Mike Pompeo également en triangulation avec Athènes et Tel Aviv), les revendications sur Chypre et l’implication directe dans le conflit du Haut-Karabakh.

Tous les sujets sur lesquels Berlin est directement impliqué en raison de son statut particulier: D’une part, la très forte présence turque en Allemagne, chiffrée à un peu plus de 3,5 millions d’individus, dont des citoyens turcs, des citoyens à double nationalité et des Allemands qui, ensemble, donnent vie à la minorité étrangère la plus peuplée du pays. Ce sont également des citoyens qui maintiennent un lien direct avec la Turquie, en effet beaucoup d’entre eux font partie de ce vaste réseau-Erdogan, qui n’est plus «souterrain», utilisé par le gouvernement turc pour faire pression sur Berlin. D’autre part, le gros lien commercial qui existe entre Berlin et Ankara dans la section défense: le dernier approvisionnement par ordre chronologique concerne six sous-marins allemands vendus sur le Bosphore, dont la livraison par lots est toujours en cours.

BRUXELLES

Erdogan provoque Chypre parce qu’il veut du gaz. C’est une prise de conscience qui trouve également un terrain fertile à Bruxelles, prudente, où de hauts fonctionnaires réfléchissent à la manière de donner suite à l’annonce de ces derniers mois d’imposer des sanctions à la Turquie. Le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, a clairement indiqué qu’il appartenait à la Turquie de définir son statut lors du sommet européen de décembre », qualifiant la visite d’Erdoğan à Varosha (dans la partie de Chypre occupée par la Turquie) de « provocation ». Maas a précisé que les sanctions contre la Turquie seront à l’ordre du jour: «Si nous ne voyons pas de signes positifs de la Turquie d’ici décembre, mais seulement de nouvelles provocations telles que la visite d’Erdoğan au nord de Chypre, alors nous nous dirigeons vers un débat difficile ».

A ce stade, Maas est soutenue par son collègue français Jean-Yven Le Drian, dont le gouvernement s’est depuis longtemps engagé directement sur le terrain pour soutenir la Grèce et Chypre contre les revendications d’Erdogan, à Kastellorizo ​​et Nicosie: il y a quelques jours les deux ministres ont signé un éditorial commun dans le Washington Post centré sur les futures relations transatlantiques avec l’administration Biden faisant également un passage sur les provocations d’Erdogan: « Nous devrons nous attaquer au comportement problématique de la Turquie en Méditerranée orientale et au-delà », ont-ils écrit.

Ainsi, en attendant l’euro-sommet sur Chypre le 10 décembre, le Parlement européen a approuvé une résolution non contraignante en faveur de Chypre, exhortant les dirigeants de l’UE à « agir et imposer des sanctions sévères en réponse aux actions illégales de la Turquie ».

Francesco De Palo. (Formiche)