Le plan de l’Iran pour résoudre le conflit dans le Haut-Karabakh

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(Rome 05 novembre 2020). Les forces armées azerbaïdjanaises se préparent à étendre la campagne de guerre au Haut-Karabakh vers deux endroits charnières: le couloir de Lachine et Shoushi. La chute éventuelle entre les mains azerbaïdjanaises des deux points, pourrait déterminer définitivement le sort du conflit ou, au contraire, provoquer son extension en raison de l’entrée en scène de l’Arménie.

Pour tenter d’éviter la matérialisation du pire des scénarios, le Kremlin a lancé de nouvelles offres à Bakou et Ankara, tandis que Téhéran a envoyé son vice-ministre des Affaires étrangères en mission qui a visé le Caucase, l’Anatolie et la Russie, pour présenter un plan de résolution du conflit qui peut satisfaire toutes les parties en jeu.

La proposition de Téhéran

Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araqchi était en tournée très intense, qui a eu lieu au cours de la dernière semaine d’octobre, ce qui l’a conduit à avoir des réunions de haut niveau à Moscou, Ankara, Bakou et Erevan. La mission a été organisée pour réitérer aux diplomaties des quatre pays quels sont les intérêts de Téhéran sur le théâtre de la guerre et surtout, pour présenter un plan de désescalade.

En effet, si l’attention médiatique se concentre sur les actions de la Russie et de la Turquie, garants respectivement de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan dans la région contestée, et plus généralement dans le Caucase du Sud, où les intérêts d’une série de puissances secondaires, principalement l’Iran, Israël et la France se croisent, s’entremêlent et s’affrontent.

A Moscou, Araqchi a eu une réunion bilatérale avec son homologue russe Andrey Rudenko. Ce dernier n’a pas voulu expliquer en détail en quoi consiste la proposition iranienne mais, le 3 novembre, contacté par l’agence de presse russe Interfax, il a déclaré que « nous l’examinons très attentivement ».

Ce que l’on sait, plutôt ce qui est divulgué au public, c’est que l’Iran voudrait éviter une aggravation irréparable de la situation et regarde avec désillusion le groupe de Minsk de l’OSCE, qui s’est réuni le 30 octobre. En bref, la proposition pourrait viser à remplacer la plateforme de dialogue par une nouvelle, composée exclusivement des trois puissances régionales directement impliquées, à savoir Moscou, Téhéran et Ankara.

Cela peut-il fonctionner ?

Qu’Araqchi ait pu proposer de surmonter et/ou de compléter le format de Minsk, ne peut être exclu a priori et c’est une hypothèse étayée par deux indices. Le premier est que le 29 octobre, après avoir présenté la proposition à Erevan, le ministre des Affaires étrangères, Zohrab Mnatsakanyan, a déclaré que, tout en appréciant et reconnaissant le rôle iranien, « les coprésidents du groupe de Minsk sont le seul format convenu au niveau international pour la médiation et les négociations ».

Le deuxième indice est que la tournée a été précédée par l’appel du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à former un « cadre tripartite entre l’Iran, la Russie et la Turquie pour résoudre la crise arméno-azerbaïdjanaise ». Zarif a également précisé que l’Arménie « doit respecter l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan ».

La proposition iranienne pourrait fonctionner pour une raison très simple: la Turquie, qui se considère comme une « grande puissance renaissante », recherche une reconnaissance internationale et tente de revendiquer ce rôle au moyen de campagnes musclées dans l’ancien espace ottoman. Le dépassement du cadre de Minsk au profit d’un dialogue tripartite s’inscrit exactement dans la direction recherchée et souhaitée par Recep Tayyip Erdogan et, de plus, éviterait la désintégration d’un trio dont dépend largement la fragile stabilité acquise en Syrie.

Il est vrai, cependant, que l’évolution des combats a considérablement compliqué le travail de la diplomatie secrète. En fait, l’avancée constante des forces armées azerbaïdjanaises vers des lieux clés pour la reconquête de la région contestée, comme le couloir Lachine et Shoushi, a considérablement réduit les chances de parvenir à un accord avec Bakou. Le dialogue avec la Turquie est donc la seule et la dernière manière dont la Russie et l’Iran doivent parvenir à un cessez-le-feu durable et éviter une éventuelle extension des hostilités à l’Arménie.

Emanuel Pietrobon. (Inside Over)