Liban: le Hezbollah, «coopérer pour éviter un vide politique»

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(Roma 30 août 2020). Près d’un mois après l’explosion du port de Beyrouth, la situation au Liban ne montre aucun signe d’amélioration. Pour rendre le tableau encore plus compliqué, il y a aussi l’augmentation des cas de coronavirus dans le pays des cèdres, qui a dépassé les 15 mille infectés malgré le renforcement des mesures de confinement du Covid-19. Mais pour le moment, le secteur de la santé est celui qui suscite le moins d’attention au Liban: la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour le renouvellement de la mission Unifil vient de s’achever, le nouveau Premier ministre devrait être nommé lundi 31 août, tandis que le président français Emmanuel Macron se prépare pour une nouvelle visite dans le pays. Les problèmes économiques et les tensions sociales et sectaires croissantes restent au second plan.

Tensions sociales

Au lendemain de l’explosion du port de Beyrouth, des citoyens libanais sont revenus manifester dans les rues du pays pour demander la mise en œuvre des réformes économiques, politiques et sociales tant attendues, ainsi que la démission – obtenue plus tard – du gouvernement dirigé par le Premier ministre Hassan Diab. Le Premier ministre et son exécutif, selon les manifestants, sont coupables de ne pas avoir garanti la sécurité du peuple libanais, ayant permis à près de 3 tonnes de nitrate d’ammonium, de continuer à être déposées dans le port de la capitale.

A ce jour, les responsables de l’accident n’ont pas encore été retrouvés mais beaucoup ont immédiatement pointé du doigt le Hezbollah, la force chiite qui contrôle effectivement le port et qui selon certains analystes aurait volontairement gardé le nitrate à cet endroit précis. Au-delà de la véracité des accusations, qu’il appartient à un tribunal de vérifier, les rumeurs de l’implication du Parti de Dieu ont créé de nouvelles fractures au sein de la population, divisée selon des lignes confessionnelles claires et avec des intérêts souvent conflictuels. Ce n’est donc pas un hasard si deux fusillades sectaires ont eu lieu la semaine dernière, selon les médias locaux. Le premier incident s’est produit dans le village de Kaftoun dans le nord, causant la mort de trois hommes, tandis que le second s’est produit quelques jours plus tard dans la ville de Khaldeh, au sud de la capitale. Dans ce cas, un Syrien et un garçon sunnite de 13 ans sont morts lors d’un affrontement entre une tribu sunnite et certains partisans du Hezbollah. Le Parti de Dieu a nié toute implication dans les dernières nouvelles, mais ce qui s’est passé dans les deux villes met en évidence une tension croissante entre les différentes « âmes » du pays.

Le cadre politique

Les derniers jours d’août et début septembre sont cruciaux pour l’avenir du Liban. Le samedi 29 août, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l’unanimité le renouvellement de la mission FINUL, chargée de contrôler la frontière entre le Liban et Israël (dite Ligne bleue). Le vote s’est transformé en une bataille entre le Liban et les États-Unis, qui, avec le gouvernement israélien, ont fait pression pour une augmentation drastique du pouvoir des soldats de la paix de l’ONU ou, alternativement, pour leur élimination totale. Au final, la mission a été reconduite grâce à l’intervention de la France, qui a proposé une réduction limitée des troupes (de 13 mille à 10 mille soldats) et inséré la demande – adressée au gouvernement libanais – de ne pas limiter les inspections des casques bleus, y compris les tunnels. Cependant, ce sont des changements mineurs: les soldats le long de la Ligne bleue sont déjà 10.500 et Beyrouth pourrait continuer à limiter l’accès à certaines zones aux troupes de l’ONU.

Après l’obstacle de la FINUL, l’attention s’est tournée vers les nominations du lundi 31 août et du mardi 1er septembre : A la première date, la nomination du nouveau Premier ministre est attendue, après la démission de Hassan Diab. L’ancien Premier ministre Saad Hariri a déjà signalé qu’il ne voulait pas reprendre la direction du pays et le Hezbollah a opposé son veto à la candidature du juge de la Cour pénale internationale Nawaf Salam et de Mohammed Baasiri, secrétaire de la Commission chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent. A quelques heures de la date limite imposée par le président Michel Aoun, il ne semble donc pas y avoir d’indices clairs sur l’identité du prochain Premier ministre: ce que l’on sait, comme toujours, c’est que selon les accords de Taif qui régissent la vie politique libanaise, il devrait être sunnite.

La Visite de Macron

Le lendemain de la nomination du prochain Premier ministre libanais, Macron se rendra au Liban, la deuxième visite depuis l’explosion du port à ce jour. Le président français a été le premier dirigeant étranger à se rendre dans le pays à la suite de l’incident et a promis d’apporter toute l’aide possible au peuple libanais pour surmonter la grave crise politique et économique qui bouleverse le Liban depuis un certain temps. Le voyage de Macron, qui durera deux jours, coïncide entre autres avec le centenaire du traité de Sèvres, qui a transformé le Liban et la Syrie d’aujourd’hui en un protectorat français. Un anniversaire important, surtout à la lumière des critiques adressées à la présence de la France au Liban, accusée d’avoir des visées coloniales et de vouloir exploiter la situation sur le terrain à son avantage.

Macron a démenti ces rumeurs, affirmant qu’il souhaitait aider le pays à avancer et que son objectif est de garantir la mise en œuvre des réformes demandées par la population pendant près d’un an, comme le démontre également le contenu du document conceptuel remis par l’ambassadeur de France au gouvernement libanais. Le document, consulté par Reuters, identifie quatre macro secteurs d’intervention: les mesures de confinement du coronavirus; la reconstruction du port; les réformes politiques et économiques; de nouvelles élections parlementaires. A cela s’ajoute la reprise des négociations avec le Fonds monétaire international et la mise en place d’un tribunal international sur l’attentat du 4 août. La France s’engage également à envoyer des consultants pour mener à bien les réformes nécessaires, nécessaires pour avoir accès aux fonds levés par Paris pour la reconstruction du Liban. Parmi ceux-ci figure la création d’un nouveau «pacte politique» sur lequel fonder le gouvernement du pays et qui, à la veille de la visite de Macron, a reçu l’approbation du Hezbollah lui-même. Le Parti de Dieu s’est en effet déclaré « ouvert à toute discussion constructive sur le sujet, mais à condition que ce soit la volonté de toutes les parties libanaises ».

La semaine prochaine sera décisive pour le pays des cèdres et pour l’avenir de ses habitants.

(Futura D’Aprile – Inside Over). (L’article en version italienne)