(Montréal, Rome, Beyrouth, le 13 août 2020). Après le vide béant provoqué par l’explosion du Port de Beyrouth, le 04 août, qui a terrassé des quartiers entiers de la capitale libanaise, voici que le Liban risque de vivre un autre vide politique encore plus destructeur.
Le Pays du Cèdre est en effet l’otage de l’Iran, à travers le Hezbollah. La République islamique tient à sa « province méditerranéenne » pour mieux négocier la levée des sanctions américaines, ou en attendant les élections américaines de novembre prochain, espérant la défaite de Donald Trump et l’élection de Joe Biden. Car, l’ancien vice-président américain et candidat à la Maison-Blanche avait soutenu la politique pro-iranienne de Barak Obama qui avait débloqué des milliards de dollars iraniens après la signature de l’accord controversé sur le nucléaire. Téhéran soutient ainsi la candidature de Biden, comme en atteste la tribune de Mohamed Javad Zarif, le ministre iranien des Affaires étrangères, publiée par le quotidien français « Le Monde » ce 12 août. C’est aussi l’occasion, pour Téhéran, de séduire la France en faisant miroiter des promesses commerciales. Son objectif est de manipuler l’opinion publique, diviser la communauté internationale et briser l’embargo sur les armes et les sanctions économiques en octobre prochain, ou obtenir la défaite de trump en novembre.
Pour parvenir à ses objectifs, l’Iran exploite toutes les cartes maitresses dans son jeu régional, dont notamment la carte libanaise à travers le Hezbollah. Le Parti de Dieu a d’ores et déjà émis ses vetos pour retarder la formation d’un nouveau gouvernement. Il rejette catégoriquement la candidature de Nawaf Salam pour succéder à Hassan Diab, et refuse l’idée d’élections législatives anticipées. Craignant la perte de la majorité parlementaire actuelle, le Hezbollah s’y accroche comme un naufragé s’accroche à une planche en bois, synonyme de survie. Le Hezbollah cherche ainsi à exploiter le Parlement actuel pour imposer le futur président de la République, que ce soit à l’issue du mandat de Michel Aoun, en 2022, ou en cas de démission ou de disparition de l’octogénaire Michel Aoun avant la fin de son mandat.
Dans ce contexte, des sources libanaises redoutent un blocage de plusieurs mois, en attendant les échéances américaines. Car, en soutenant le retour de Saad Hariri à la tête de l’Exécutif, non sans conditions, le Hezbollah cherche à le soumettre définitivement et à obtenir à travers lui la soumission de tous les sunnites, qui auront oublié leur martyr Rafic Hariri. Les milieux proches de Saad Hariri commencent à préparer le terrain, en affirmant que « l’intéressé ferait abstraction du verdict du Tribunal international (TSL) et collaborerait avec les assassins de son père au nom de la paix sociale ». C’est justement ce que refusent tous les souverainistes libanais, toutes confessions confondues, et les activistes du Hirak. Pour le Hezbollah, « c’est Hariri ou le vide ».
Mais le retour de Saad Hariri aux affaires briserait définitivement l’alliance du 14-Mars, anéantirait le rêve d’indépendance et offrirait le Liban sur un plateau en or au Hezbollah et à l’Iran. De plus, sa nomination est conditionnée par le retour de Gebran Bassil au gouvernement, alors qu’il est menacé de sanctions arabes et occidentales et par l’attribution du ministère de l’Energie au CPL, qui a brillé par ses échecs répétitifs durant les 12 dernières années à gérer le secteur.
Dans ce contexte, le retour de Hariri et de Bassil est non seulement synonyme à un retour à l’avant 17 octobre, scénario complètement rejeté par les centaines de milliers de manifestants, mais serait un « bras d’honneur » lancé dans la figure de la communauté internationale qui attend des réformes plutôt qu’un retour en arrière. Les Libanais se préparent à vivre une nouvelle crise politique qui accentuerait la crise économique, financière et sociale.
Sanaa T. et Lea P.