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Liban: à la manœuvre, Gebran Bassil demande l’aide du Vatican et plaide contre l’Iran. Qu’en pensera le Hezbollah?

(Rome-07 juillet 2020). L’ancien ministre libanais des Affaires étrangères, et gendre du président Michel Aoun, Gebran Bassil, est à la manœuvre pour tenter de séduire l’Occident à travers le Vatican. 

Selon nos sources, Gebran Bassil a dépêché à Rome, puis au Saint Siège, son successeur au ministère des Affaires étrangères Nassif Hitti, pour demander leur médiation auprès des Etats-Unis pour épargner le Liban des sanctions qui frappent le régime syrien, d’une part, et pour quémander des aides financières afin de lutter contre la famine qui pointe à l’horizon et qui menace plus de 60% de la population libanaise. Nos sources ajoutent que Hitti a été accueilli d’abord par les autorités italiennes qui lui ont signifié que « pour obtenir de l’aide, les dirigeants libanais doivent d’abord cesser de détourner l’argent public et de piller les caisses de l’Etat, et doivent engager les réformes indispensables à restaurer la confiance des Libanais et de la communauté internationale ». Les responsables italiens étaient très clairs dans ce sens, affirmant à leur interlocuteur que « plusieurs organismes internationaux relevant des Nations unies sont prêts à aider le Liban, mais à ces conditions ».

A la demande de Gebran Bassil, Nassif Hitti a également évoqué «les risques qui découlent des pressions américaines exercées sur le Liban, la Syrie et l’Iran». Il a plaidé pour que si les Américains sont décidés à en découdre avec l’Iran, ils peuvent mener la guerre contre la République islamique sur son propre territoire et non pas au Liban». Les observateurs notent à cet égard que si «le message transmis par Hitti émane de Gebran Bassil, celui-ci aura trahi son principal allié le Hezbollah», et s’interrogent sur la réaction de ce dernier. «Mais si le message provient du Hezbollah, il atteste que le Parti de Dieu est aux abois et redoute son effondrement financier d’abord, populaire ensuite, et militaire enfin».

En effet, les Etats-Unis cherchent à modifier la configuration de la FINUL et son mandat au Sud-Liban, à l’approche de la date de prorogation de sa mission. Selon plusieurs sources, Washington voudrait priver les commerçants de la région, tous proches du Hezbollah, des 500 millions de dollars dépensés tous les ans par les soldats onusiens. Déjà privé de l’argent iranien et saigné à blanc en Syrie (effort de guerre mais aussi transfert clandestin d’argent frais, de carburant et de farine pour maintenir la tête de Bachar Al-Assad hors de l’eau), le Hezbollah ne peut pas supporter la perte des revenus assurés par la FINUL.

Aussi, Nassif Hitti a expressément demandé aux Italiens de maintenir leur contingent à la frontière avec Israël, quelle que soit la décision de l’ONU. Ainsi, après avoir longtemps harcelé les casques bleus et menacé de les prendre en otage pour exercer des pressions sur leurs pays d’origine, le Hezbollah quémande leur maintien pour s’assurer leur protection, au moment où il menace d’ouvrir le front avec l’Etat hébreu, de lancer une pluie de missiles contre des cibles israéliennes sensibles et stratégiques et de modifier les équilibres régionaux.

Aussi, à la demande de Bassil, et après avoir beaucoup insisté, Hitti s’est fait inviter à dîner ce mardi soir avec le Cardinal Pietro Parolin, le chef de la diplomatie du Vatican. La rencontre sera limitée à quelques personnes pour respecter les consignes sanitaires (Coronavirus) et la distance sociale. Au menu, Hitti doit évoquer la question des Chrétiens d’Orient, qui deviennent un fond de commerce très lucratif. Mais d’ores et déjà, les prélats libanais, notamment le Patriarche maronite Bechara Raï, et l’évêque orthodoxe de Beyrouth Elias Audi, ont rappelé dimanche dernier que le pouvoir actuel a fait le plus grand tort au Liban dans toutes ses composantes, et particulièrement aux Chrétiens. Gebran Bassil et Michel Aoun, avec leurs relais en Occident, ont toujours plaidé pour la réhabilitation du bourreau Bachar Al-Assad et promu l’alliance des minorités (Alaouites et Chiites), sous l’égide du Hezbollah et de l’Iran, pour protéger les Chrétiens.

Si au Vatican, Hitti doit s’attendre à une réponse cinglante du Saint Siège, conforme aux positions du Patriarcat à Bkerké qui a toujours défendu la souveraineté du Liban, loin des politiques des axes, à Beyrouth, il se murmure au contraire que Bassil espère la réussite de sa médiation avec l’Occident et vise plusieurs objectifs: vanter ses mérites pour restaurer sa popularité alors qu’il est la personnalité la plus huée dans la rue; se valoriser auprès du Hezbollah qui l’aura épargné; s’attribuer le rôle de sauveteur des Libanais en quémandant les aides alimentaires internationales; et enfin, se donner toutes les chances de succéder au Président Michel Aoun.

Cependant, la visite de Hitti en Italie prouve, si besoin était, que le gouvernement libanais n’a d’indépendant que le nom. Elle rappelle aussi et surtout que Gebran Bassil contrôle et exploite les ministères des Affaires étrangères (diplomatie au service du Hezbollah et de Bachar Al-Assad), de l’Energie (trafic de fuel), de la Défense, de la Justice et de l’Intérieur (répression sécuritaire et judiciaire) pour servir ses ambitions personnelles. Le Hezbollah et Amal contrôlent le reste du gouvernement (Santé, Télécommunications, Agriculture, Finances…). Mais les Libanais ne sont pas dupes et leur patience a des limites. Et la communauté internationale ne se laisse plus berner par ces manœuvres. L’heure des comptes s’approche à grands pas.

Magdi W.

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