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Liban, Syrie, Iran… une poudrière en attente d’une étincelle. Une fuite en avant du Hezbollah est-elle encore évitable?

Par Sanaa T. et Magdi W.

(Montréal, Rome, Beyrouth, le 06 juillet 2020). Selon différentes sources dans différentes capitales, « la question n’est plus de savoir si la situation au Moyen-Orient va-t-elle dégénérer, mais quand et comment ? Nos interlocuteurs affirment que la région est une véritable poudrière qui attend l’étincelle pour exploser. 

Après une période de flottement, affirment nos sources, la pression occidentale sur les pays membres de « l’axe de résistance » est maximale. Soumis à des sanctions économiques et financières douloureuses, l’Iran est à genoux. La République islamique est asphyxiée et n’a désormais plus les moyens d’acheter la paix sociale à l’intérieur de ses frontières, ni d’exporter son modèle à l’extérieur, encore moins de financer ses bras armés, comme le Hezbollah au Liban et en Syrie, les Houthis au Yémen, ou le Hached al-Chaabi en Irak.

Le retour du patriotisme irakien

Cette vulnérabilité de l’Iran est particulièrement visible en Irak, notamment depuis l’élimination du général Qassem Soleimani, début janvier dernier. En effet, les responsables iraniens doivent désormais se munir de visa pour pouvoir entrer en Irak. Une première qui s’ajoute aux pressions du premier ministre contre les groupes armés liés à Téhéran. Fin juin, plusieurs dizaines de miliciens du Hezbollah irakien ont ainsi été arrêtés lors de perquisitions sur ordre du premier ministre Mustapha El-Kadhemi (ou Kazemi), qui joue l’équilibriste entre l’Iran et les Etats-Unis. Le patriotisme irakien renaît finalement de ses cendres et fait de plus en plus de résistance à l’hégémonie iranienne, politique, économique, idéologique et sécuritaire.

Le régime syrien s’effrite

L’asphyxie économique et financière de l’Iran se reflète aussi à travers son affaiblissement en Syrie. Bombardés régulièrement par l’aviation israélienne, les miliciens iraniens et les Gardiens de la Révolution ne se défendent même pas et ripostent encore moins. Le régime de Bachar al-Assad est lui aussi aux abois. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi César le 17 juin, et avec le renforcement des sanctions économiques et financières, le régime est sous très haute pression qui provoque des règlements de compte au sein de la famille. Asma, l’épouse de Bachar, son frère et son cousin cherchent à dépouiller le cousin de Bachar et son principal argentier depuis 2011, Rami Makhlouf, ainsi que ses frères. Ce bras de fer se reflète aussi à travers les fissures qui lézardent la communauté alaouite tiraillée entre le clan Assad qui l’a saignée à blanc, et le clan Makhlouf qui la finance!

L’effritement du régime dans son cœur relance la contestation dans des régions où celle-ci avait été violemment réprimée, comme à Deraa et à Souweida notamment, et accélère l’élimination des témoins encombrants. Ce dimanche 05 juillet, le général Ali Joumblatt, un proche de Maher Al-Assad, a été abattu par un sniper à proximité du palais de Maher à Yaafour, à l’ouest de Damas. Selon des opposants syriens, Joumblatt, un alaouite originaire de Jabla, sur la côte, a été exécuté sur ordre de Maher. Celui-ci cherche ainsi à empêcher l’enquête de remonter jusqu’à lui après l’interception d’une cargaison de drogue en Italie. Il a ordonné l’exécution de son second et associé. Aussi, Ali Joumblatt, à la tête d’une unité de la 4ème division (la division la plus redoutée, commandée par Maher), est impliqué dans la torture et l’exécution de dizaines d’opposants. En l’exécutant, le régime sacrifie un témoin encombrant dans l’espoir d’échapper aux poursuites internationales.

Dans le même registre, le général Jihad Za’al, chef des services de renseignement de l’armée de l’air dans l’Est (Raqqa; Hassaka et Deir Ez-Zor) a été tué avec plusieurs de ses compagnons, dans le bombardement de son véhicule au cours de la nuit de samedi à dimanche. Ayant dirigé les renseignements de l’armée de l’air – le plus puissant service syrien – à Deraa aux débuts de la révolte de 2011, Za’al est lui aussi impliqué dans la torture et l’exécution de civils. Très proches des Iraniens, sont élimination peut porter plusieurs interprétations, affirment nos sources syriennes.

Liban, le maillon faible

Si les pressions pèsent sur l’Iran, l’Irak et la Syrie, c’est par le Liban que l’étincelle peut provoquer la grande explosion. Mais, précisent nos interlocuteurs, sur tous ces théâtres, le dénominateur commun reste l’Iran et son bras extérieur, le Hezbollah. Celui-ci colonise le Liban et s’y installe son principal fief et prend le Liban et les Libanais en otage, notamment depuis février 2006, grâce à la complicité du Courant Patriotique Libre, du Général Michel Aoun et de Gebran Bassil.

Le Hezbollah est ainsi responsable des malheurs du Liban. Il a brisé la confiance et fait fuir les investissements étrangers, mais aussi les transferts de la diaspora. Il a organisé et cautionné le pillage du Liban par la Syrie. Ce qui explique l’hostilité de plus en plus prononcée des Libanais à l’égard du parti de Dieu, d’une part, et sa très grande nervosité à l’égard des manifestants du Hirak d’autre part. Aujourd’hui, le Hezbollah a réussi à coaliser l’ensemble des Libanais contre sa politique suicidaire. Samedi 4 juillet, des centaines de manifestants ont appelé la communauté internationale à se mobiliser pour imposer l’application de la Résolution 1559 et désarmer les milices, dont le Hezbollah.

La pression est à son comble sur « l’axe de la résistance ». Les explosions se multiplient dans des complexes nucléaires en Iran et des sources parlent de raids israéliens menés par les F-35, avec ravitaillement en vol dans l’espace du Golfe. Les Iraniens sont indésirables en Irak et régulièrement bombardés en Syrie. Il ne fait pas de doute que l’axe réagira à travers le Hezbollah au Liban, où le contexte est propice. Famine, émeutes, pénuries, suicides… la tension est maximale et les Libanais en veulent au Hezbollah qui, en bloquant les négociations avec le FMI, en empêchant le gouvernement Diab de démissionner, en interdisant la formation d’un gouvernement indépendant, il accélère l’effondrement du pays qu’il attribue aux Etats-Unis et à Israël. Hassan Nasrallah et Sadek al-Nabulsi ont menacé de réagir contre les tentatives israéliennes de nous étouffer. « Nous avons le courage, les moyens et la détermination de bouleverser la situation dans toute la région. Nous ouvrirons le front du sud et gagnerons la guerre », a prévenu Nabulsi le mois dernier. Tous les ingrédients d’une guerre régionale semblent réunis et les journalistes et autres reporters de la presse internationale se précipitent au Liban pour couvrir ce qui semble être une évidence. Selon nos sources, des pilotes israéliens qui étaient en formation aux Etats-Unis ont regagné leurs bases et se tiennent prêts. Comme en 2006, il suffira d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres.

Sanaa T. et Magdi W.

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