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USA-Chine : Les 10 lignes de front d’une nouvelle «guerre froide». Trump : «Pékin a violé la promesse d’assurer l’autonomie de Hong Kong».

Depuis la reprise de leurs relations diplomatiques dans les années 70, les États-Unis et la Chine ont soigneusement évité l’affrontement direct. Mais après cinquante ans de coexistence pacifique, la compétition entre les deux premières puissances économiques mondiales se mue en affrontement politique. Pékin n’est plus seulement vu par Washington comme un rival, mais comme un adversaire. Donald Trump fait de cet affrontement un argument électoral au service de sa réélection en novembre prochain. Et la Chine trouve aussi son intérêt à jouer la carte de la surenchère. Dimanche 24 mai, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a lui-même évoqué une nouvelle « guerre froide », en marge de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire. Si guerre il y a, quelles en sont les principales lignes de front ? Revue de détail.

Le « virus chinois »

Le 25 janvier, un mois après la détection des premiers cas de coronavirus en Chine, Donald Trump salue le « bon travail » de Pékin dans la gestion de l’épidémie. « La Chine travaille très dur pour combattre le coronavirus, écrit le président américain sur son compte Twitter. Les États-Unis apprécient grandement leurs efforts et leur transparence. Au nom du peuple américain, je veux remercier le président Xi ! ». Quatre mois plus tard, la rupture est consommée, et l’escalade verbale atteint des sommets. « Clowns menteurs », « virus chinois », « Tchernobyl biologique », « rumeurs abracadabrantes » : les deux puissances multiplient les invectives, provocations et menaces. 

Donald Trump accuse Pékin d’avoir dissimulé l’apparition du « virus chinois » ainsi que l’ampleur de l’épidémie.

Il va jusqu’à affirmer que la Chine est responsable d’une « tuerie de masse mondiale », après avoir caché un supposé accident dans un laboratoire de virologie à Wuhan, qui aurait été à l’origine de la pandémie. Par ailleurs, le FBI et l’Agence américaine de cyber-sécurité et de sécurité des infrastructures accusent Pékin de tentatives d’espionnage de chercheurs américains qui travaillent sur la recherche d’un vaccin contre le coronavirus, de traitements et de nouveaux tests de dépistage.

Une campagne de « calomnies » rétorque la Chine, qui accuse Washington de chercher un bouc émissaire et suggère que le virus a pu être importé sur son territoire par des militaires américains, à l’occasion des Jeux mondiaux militaires d’octobre 2019 à Wuhan.

Résultat : des menaces croisées de sanctions économiques.

À Washington, des sénateurs républicains présentent mi-mai un projet de loi qui donne le pouvoir au président Trump d’imposer des sanctions à la Chine si Pékin ne fournit pas de « compte-rendu complet » sur la pandémie de Covid-19. Le 21 mai, la Chine avertit qu’elle prendra « des mesures de rétorsion » si les États-Unis mettent cette menace à exécution. Le 24 mai, la Chine déclare être « au bord d’une nouvelle Guerre froide » avec les États-Unis et prévient qu’elle ripostera « à chaque insulte ».

L’OMS instrumentalisée

L’OMS, une « marionnette de la Chine ». L’accusation est signée Donald Trump. Le président américain reproche à l’Organisation mondiale de la santé d’avoir ignoré des rapports sur l’émergence du virus et d’être trop indulgente avec les autorités chinoises dans leur gestion de la pandémie. Le 29 mai, il « met un terme » aux relations entre les Etats-Unis et l’OMS et lui coupe les vivres alors que son pays est de loin le premier contributeur de l’organisation internationale. « La Chine a un contrôle total sur l’Organisation mondiale de la santé » affirme le locataire de la Maison blanche, qui estime que l’OMS n’a pas procédé aux réformes nécessaires. Le 19 mai, à l’issue d’une téléconférence inédite consacrée à la pandémie, les 194 pays membres de l’OMS ont pourtant convenu d’ouvrir une enquête « indépendante » sur la réponse de l’organisation internationale à la pandémie. Mais les contours de cette évaluation demeurent flous. Et si la Chine se déclare ouverte à l’initiative, elle refuse de la voir débuter avant la fin de la pandémie.

Le commerce, conflit originel

Au printemps 2018, les États-Unis s’engagent dans une guerre commerciale sans merci avec la Chine. Washington veut en finir avec la violation par les Chinois des règles de propriété intellectuelle et la concurrence déloyale que livrent leurs entreprises dans de nombreux secteurs où elles bénéficient d’aides et de prêts d’État. Cette guerre se matérialise par des droits de douane punitifs réciproques sur des centaines de milliards de dollars de marchandises. Inédite par son ampleur et sa durée, elle freine l’appétit des investisseurs et ralentit la croissance, y compris en Chine et aux États-Unis.

Le 15 janvier dernier, Donald Trump et le vice-Premier ministre chinois Liu He concluent une trêve. Les Chinois promettent d’accroître de 200 milliards de dollars sur deux ans leurs achats de produits américains afin de réduire le déficit commercial des États-Unis, grande revendication de la Maison-Blanche. De son côté, l’administration Trump s’engage à suspendre toute nouvelle hausse de droits de douane. L’accord contient également des dispositions relatives à la protection de la propriété intellectuelle et aux conditions de transfert de technologies. Quatre mois plus tard, cette trêve tient toujours. Le 8 mai, les négociateurs des deux pays s’engagent à appliquer l’accord commercial préliminaire prévu mi-janvier. Pourtant le blocage de l’économie mondiale fait naître des doutes sur la capacité de la Chine à tenir sa promesse. Et la sérénité des échanges sur le plan commercial tranche avec la violence du bras de fer qui se joue entre les deux puissances sur la gestion de la pandémie.

Hong Kong, rebelle soutenue par l’Occident

Depuis le début des manifestations pro-démocratie, il y a un an, l’ex-colonie britannique est un enjeu de la bataille géopolitique que se livrent la Chine et les États-Unis.

Dernier épisode en date : le vote, jeudi 28 mai par le Parlement chinois, d’un arsenal législatif qui, selon ses détracteurs, ouvre la voie à une régression sans précédent des libertés dans la métropole financière de 7 millions d’habitants et signe la fin du principe « Un pays, deux systèmes » qui préside aux relations entre Hong Kong et Pékin depuis la rétrocession du territoire à la Chine en 1997. La Chine a fait de cette loi une priorité après les manifestations monstres de 2019 contre le pouvoir central. Cette contestation était retombée ces derniers mois sur fond de crise sanitaire, mais depuis le 24 mai des milliers de Hongkongais manifestent de nouveau contre le projet de loi. À plusieurs reprises, Pékin a accusé des « forces étrangères », notamment américaines, de fomenter l’agitation dans le territoire semi-autonome. De son côté, Washington fait de la question démocratique à Hong Kong un angle d’attaque privilégié. Le lendemain de l’adoption de la loi sur la sécurité nationale par le parlement chinois, Donald Trump qualifie de « tragédie » le comportement de la Chine vis-à-vis de Hong Kong. Il lance le processus qui met fin au statut commercial préférentiel de l’ancienne colonie britannique, qui a contribué à en faire un pôle financier mondial. Enfin, le président américain annonce des restrictions d’entrée sur le territoire américain pour les étudiants chinois.

Taïwan, protégée historique des États-Unis

Petit État insulaire situé à 180 kilomètres à l’est de la Chine, Taïwan est considérée par Pékin comme une province rebelle faisant partie intégrante de son territoire. Le régime communiste n’a jamais renoncé à reconquérir, y compris par la force, cette île dirigée par ses rivaux depuis que les nationalistes chinois s’y sont réfugiés à l’issue de la guerre civile en 1949.

Les États-Unis ont toujours soutenu Taïwan, mais depuis les années 70, l’équilibre fragile qui fonde les relations sino-américaines prévoit que Washington ne reconnaisse pas officiellement ce territoire comme État souverain, tout en entretenant des liens informels forts avec lui, y compris sur le plan militaire. Les États-Unis sont ainsi le principal fournisseur d’armes de Taïwan ; ils ont annoncé le 26 mai la vente de 18 torpilles lourdes MK-48 à Taipei, une décision de nature à hérisser un peu plus la Chine. Depuis le début de la pandémie, Washington vante les mérites de Taïwan, louée pour sa gestion efficace du coronavirus. Donald Trump a reproché à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de ne pas avoir écouté les alertes sanitaires précoces venues de Taïwan. Et son secrétaire d’État Mike Pompeo a condamné très fermement « l’exclusion » de l’île par l’agence de l’ONU, motivée selon lui par un diktat chinois. De son côté, Pékin accentue la menace d’un recours à la force contre l’île. Vendredi 29 mai, l’un des plus hauts généraux du pays a menacé de prendre « toutes les mesures nécessaires pour écraser avec détermination tout complot ou action séparatiste, si la possibilité d’une réunification pacifique échoue ». Le gouvernement de Taipei a immédiatement dénoncé des menaces contraires au droit international. Par ailleurs, le Premier ministre chinois Li Keqiang s’est abstenu le 22 mai d’utiliser l’adjectif « pacifique » en évoquant la volonté d’une « réunification » avec Taïwan. Glissement sémantique d’autant moins négligeable que les exercices militaires chinois se multiplient autour de l’île.

Huawei et la suspicion d’espionnage

L’entreprise chinoise Huawei a été placée par les États-Unis sur liste noire. La décision a été prise directement par le président Donald Trump, qui a signé en 2019 un décret interdisant aux sociétés américaines de travailler avec le fleuron chinois de la téléphonie 5G. La bataille a pris différentes formes, avec par exemple l’arrestation au Canada de la directrice financière du groupe Huawei, Meng Wanzhou. On lui reproche d’avoir contourné les sanctions américaines contre l’Iran. Pourquoi une telle interdiction et une telle suspicion ? Tout simplement parce que l’administration américaine suspecte la Chine d’utiliser la 5G, via son groupe de télécommunications en pointe dans cette nouvelle technologie, à des fins d’espionnage. Rien n’a été prouvé pour le moment, mais la menace serait bien là pour les Américains. Une menace tellement évidente à leurs yeux que Washington s’emploie aussi à convaincre ses alliés de ne pas recourir à la technologie 5G chinoise.

De son coté, Pékin récuse toutes ces accusations et envisage même de prendre des mesures de représailles à l’encontre de certaines sociétés américaines, à commencer par le géant Apple, dont la Chine est un fournisseur incontournable.

La bataille pour la conquête de l’espace

Dans le domaine de l’espace, depuis les années 60, ce sont les États-Unis qui mènent la course. Voyage sur la Lune, exploration de Mars, développement de la Station spatiale internationale… L’avancée américaine dans le secteur était jusqu’à ce jour une évidence. Mais les temps changent et la Chine, petit à petit, se fait plus présente dans les étoiles. Elle place notamment de nombreux satellites en orbite, pour son compte ou pour d’autres pays. Plus ambitieux, après avoir posé, en janvier 2019, une sonde et un petit rover sur la face cachée de la Lune, Pékin a récupéré avec succès un nouveau vaisseau, lancé mardi par une fusée Longue-Marche 5B, la plus puissante jamais utilisée. Une mission qui marque une étape décisive dans la construction de la future station spatiale modulaire chinoise Tiangong, prévue à partir de 2022, préalable à une mission habitée sur la Lune à l’horizon 2030. L’espace, « terre de conquête » et l’espace nouveau « terrain de guerre », les Américains le pensent, à commencer par le premier d’entre eux. Le président Donald Trump a ainsi créé l’année dernière une « force spatiale », qui répond au nom de SpaceCom, et qui a pour mission d’assurer la domination des États-Unis dans les cieux. Et qui dit armée de l’espace dit aussi possibilité d’y livrer des combats avec, par exemple, la destruction de satellites qui seraient jugés « ennemis », satellites russes et chinois notamment.

La défense des Ouïgours passe par Washington

La défense du peuple ouïgour dans l’ouest de la Chine passe par l’Amérique. Dernière action menée par les États-Unis : l’adoption par le Congrès le mercredi 27 mai, d’une proposition de loi pour sanctionner des responsables chinois accusés de « l’internement de masse » des musulmans ouïgours. Mais la mobilisation américaine pour défendre ce peuple de la région du Xinjiang n’est pas nouvelle. L’année dernière, c’est l’administration même du président américain Donald Trump qui avait mis la pression pour dénoncer une « campagne de répression » contre les Ouïghours.  Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, avait annoncé dans un communiqué des « restrictions » dans l’octroi de visas américains à des responsables du gouvernement et du Parti communiste chinois, jugés « responsables » ou « complices » de la répression. Et Mike Pompeo expliquait : Selon des organisations de défense des droits de l’Homme ainsi que la diplomatie américaine, plus de un million de musulmans, principalement des Ouïgours, sont ou ont été détenus dans des camps de rééducation politique. Des accusations que Pékin dément. Les autorités chinoises préfèrent parler elles, de « centres de formation professionnelle », destinés à aider la population locale à trouver un emploi et à l’éloigner de la tentation de l’islamisme et du terrorisme. Les autorités rappellent également les attentats attribués à des militants ouïgours commis dans l’ouest de la Chine pendant de nombreuses années.

Le Tibet, pas totalement oublié par les Américains

La défense du peuple tibétain semble être passée de mode, mais cela ne veut pas dire que le sujet n’est plus d’actualité. Il ne faut pas oublier, en effet, que le Tibet a été envahi par la Chine en 1950 et que, depuis, sa diaspora continue de se battre en faveur d’un Tibet libre, ou à défaut, pour un Tibet autonome. La Chine, de son coté, a poursuivi sa politique d’oppression des Tibétains. Destruction des sites religieux, emprisonnement, effacement de la culture, le régime communiste continue sa politique de répression.

Une politique à nouveau combattue par Donald Trump, qui a signé en 2018 un décret interdisant l’entrée aux États-Unis aux responsables chinois qui bloquent l’accès au Tibet aux touristes et journalistes, mais aussi par la Chambre des représentants américaine. En janvier 2020, ses élus ont voté en faveur de sanctions contre des responsables chinois s’ils venaient à se mêler de la désignation du prochain Dalaï-Lama. Le texte prévoit aussi d’interdire à la Chine toute nouvelle ouverture de consulat tant que les États-Unis n’auront pas reçu l’autorisation d’ouvrir une mission diplomatique à Lhassa, au Tibet. Une ingérence jugée inacceptable par Pékin, qui estime que cette dernière loi contrevient gravement au droit international et aux normes fondamentales des relations internationales.

Main basse sur la mer de Chine

Comme son nom l’indique, la mer de Chine est un espace marin de 3,5 millions de kilomètres carrés qui longe le pays entre Singapour, l’Indonésie ou encore le détroit de Taïwan. Le régime communiste entend régner sans trop partager sur tout cet espace. Il occupe ainsi près de 80 % de la zone. Or, le secteur voit passer un tiers du commerce mondial. De plus, les États Unis entendent naviguer comme ils le souhaitent sur cette mer pour venir en aide à leurs alliés dans la région. C’est ainsi que, régulièrement, la tension monte dans cet espace entre navires américains et navires chinois.

Bipolarisation et guerre froide d’un nouveau genre

Il y a un point commun avec la guerre froide qui a opposé l’ancienne URSS et les Etats Unis après la seconde guerre mondiale et sa version 2020 entre la Chine et à nouveau les américains. Il s’agit de la volonté pour les deux blocs de tenter de rayonner et d’imposer son système sur le monde. Le capitalisme retrouve ainsi son vieux rival, le communisme.

Une bataille bloc contre bloc qui rappelle les cours d’histoire des années 1970 avec ses cartes du monde où l’occident tout en couleur était confronté à l’URSS tout en gris sur les tableaux. Mais il existe toutefois une différence de taille entre les deux époques. Il s’agit de la stratégie adopté pour conquérir le monde.

La Chine du XXIe siècle contrairement à son cousin russe des années 60 a choisi de s’infiltrer dans les rouages du monde. Pour preuve sa volonté de diriger les plus grandes instances mondiales. OMS pour la santé, OMC pour le commerce, FAO pour la nourriture, etc… La Chine entend agir de l’intérieur du système alors que l’union soviétique, elle avait mené la bataille depuis l’extérieur rendant « l’ennemi » plus visible et identifiable. 

Face à ce duel qui s’annonce, la question est de savoir quel rôle l’Europe va pouvoir jouer. Quand on écoute la diplomatie française, il y aurait une carte à jouer. Une sorte de troisième voie qui serait capable de sortir son épingle du jeu en dialoguant avec les deux camps. Mais sans armée, divisée et sans leader pour défendre ce projet du milieu, on peut craindre que l’Europe reste une nouvelle fois sur le bord de la route et se contente du rôle de simple spectateur de cette nouvelle guerre froide qui s’annonce. (France inter)

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