Lors de la première audition d’un procès unique au monde, celui des crimes commis par le régime syrien de Bachar al-Assad, le procureur général Jasper Klinge n’a pas « mâché ses mots » pour définir l’un des deux tortionnaires que la justice allemande a réussi à traîner jusqu’aux tribunaux: criminel, sadique, tortionnaire. Et la liste des atrocités répertoriées devant les accusés, deux personnalités des services secrets syriens, Anwar Raslan et Eyad al-Gharib, est insupportable.
Pour juger ces deux Syriens, l’Allemagne applique le principe juridique de la compétence universelle qui permet à un État de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient leur nationalité et l’endroit où ils ont été commis. Entre 2015 et 2017, le groupe de travail a recueilli plus de 2.800 plaintes de réfugiés syriens sur les persécutions et les crimes commis par le régime d’Assad. Le procès contre les deux tortionnaires commencé aujourd’hui, se poursuivra jusqu’en août. Le procureur a demandé à les condamner à la réclusion à perpétuité pour plusieurs meurtres, violences et viols. Au début de la guerre civile en Syrie, Anwar Raslan s’est vu confier la «section 251» des services secrets, chargée de pourchasser les opposants au régime. Le co-accusé Eyad al-Gharib les a ratissés lors de manifestations. Selon le procureur, au moins 4.000 personnes passeraient par les chambres de Raslan et continueraient de souffrir d’énormes traumatismes. Cinquante-huit personnes sont mortes des conséquences de la torture. Raslan, 57 ans, il est présenté comme un ancien colonel de la Sûreté de l’État ayant déserté en 2012, répond depuis jeudi de crime contre l’humanité devant la Haute Cour régionale de Coblence. Il s’agit du premier procès au monde concernant des exactions attribuées au régime de Damas depuis le début de la guerre en Syrie en 2011. Il n’a pas dit un mot lors de la première audience. Il a été emmené dans la salle d’audience menotté, comme al-Gharib. Et il a écouté silencieusement la liste insoutenable de ses atrocités : Baril avec des bâtons, tubes en plastique et en caoutchouc. Des femmes et des hommes pendus pendant des heures au plafond, torturés sans merci jusqu’à ce qu’ils s’évanouissent. Après les avoir accrochés de main, les hommes de Raslan donneraient à boire à l’un d’eux, puis boucheraient son pénis.
Le chef de l’unité de torture secrète d’Assad s’était enfui en Allemagne et avait demandé l’asile en 2014. À Marienfelde, où il vivait dans un camp de réfugiés, il avait été reconnu par d’anciens opposants à Assad et des avocats des droits de l’homme. Raslan n’a jamais changé de nom et n’a jamais rien fait pour cacher sa véritable identité. En 2015, il s’est même rendu au commissariat de police de Berlin pour dénoncer des espions présumés russes syriens et russes qui le suivaient. A côté de lui, dans le box des accusés, Eyad al-Gharib, 43 ans, est jugé lui aussi pour complicité de crime contre l’humanité notamment pour son rôle dans l’arrestation et l’emprisonnement de 30 personnes à l’issue d’une manifestation à l’automne 2011 à Douma, dans la banlieue de Damas. Il comparaît le visage en partie couvert par une capuche et un masque de protection. (Médias)