Le président libanais Michel Aoun s’est tourné vers la communauté internationale pour obtenir un soutien financier afin de faire face à la crise économique, aggravée par la pandémie de coronavirus. Il a convoqué une réunion avec le Groupe international de soutien au Liban (GIS), ce lundi 6 avril. Lors de la rencontre au palais présidentiel de Baabda, le chef de l’Etat a souligné que le Liban était confronté à deux des plus grands défis des 75 dernières années. Le premier est représenté par la propagation croissante de Covid-19, un facteur de risque supplémentaire pour l’économie libanaise, tandis que le second est lié aux réfugiés syriens, qui continuent de peser sur les finances et la société libanaises. À cet égard, Aoun a rappelé les paroles du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, qui a qualifié la pandémie de coronavirus de la pire crise mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale, alors que la crise des réfugiés syriens était auparavant considérée comme le pire niveau humanitaire.
Aoun a souligné que le Liban fait face au fardeau des deux crises. Cependant, le coronavirus pèse sur le monde entier, tandis que, d’autre part, le problème des réfugiés syriens n’a pas touché que les territoires libanais, avec un coût d’environ 25 milliards de dollars pour les caisses de Beyrouth, et auquel il ne semble pas y avoir de remède dans un proche avenir. Concernant la situation intérieure, le président a déclaré que l’économie libanaise se caractérise par une forte contraction économique, une grave pénurie de devises, des taux de pauvreté et de chômage élevés, des prix élevés et une baisse du taux de change de la livre libanaise sur le marché parallèle.
Pour cette raison, Aoun a demandé l’aide du Groupe international de soutien, fondé en 2013 dans le but de mobiliser une aide directe au Liban et à ses institutions, face à l’aggravation de la crise des réfugiés syriens. Concrètement, les 11 milliards de dollars promis lors de la conférence CEDRE du 6 avril 2018 ont été demandés, à cet égard, le 24 janvier dernier, le Groupe avait déjà exprimé son soutien à Beyrouth, mais à condition que le pays s’engage à mener des réformes visant à restaurer le cadre économique et financier.
Notez que le directeur adjoint pour le Moyen-Orient à Human Rights Watch, Joe Stork, a rapporté que l’épidémie de Covid-19 met à rude épreuve un secteur de la santé déjà en crise. Le 12 mars, le gouvernement a réservé 39 millions d’un prêt de la Banque mondiale avant l’émergence de la pandémie afin de mieux préparer et équiper les établissements de santé du pays. Le gouvernement chinois a également fourni à Beyrouth des appareils et des machines pour faire face à l’urgence et s’est déclaré prêt à aider davantage le Liban.
Le Premier ministre Hassan Diab a de son côté rappelé avoir promis de réformer au cours des 100 premiers jours de sa gouvernance et affirme aujourd’hui que « 57% de nos plans de réformes sont prêts et ont été transmis au Parlement » « autant dire que rien n’a été fait » ironisent les observateurs. Selon eux, le Président Aoun a omis de rappeler sa position, alors député et chef du Courant Patriotique Libre, hostile à la fermeture des frontières avec la Syrie, dès 2012, pour empêcher l’arrivée massive de réfugiés syriens (alors qu’il détenait plus que le tiers du gouvernement). Il a occulté son opposition à les installer dans des camps de réfugiés à la frontière pour mieux les contrôler, les gérer et les empêcher de concurrencer la main-d’œuvre libanaise. Il a aussi omis de préciser que son ministre de l’Education Elias Bou Saab avait validé le recrutement de 5.000 instituteurs dédiés aux réfugiés syriens mais qui n’ont jamais enseigné. A cet égard, il a oublié d’avancer le nombre des recrutements électoralistes de complaisance effectués par son Courant Patriotique Libre, à la veille des élections législatives de mai 2018, et leur poids sur les finances publiques » ajoutent les Libanais. Ils concluent que « le président a mis la poussière sous le tapis pour occulter les deux principaux défis du Liban: la mauvaise gouvernance et la corruption. La première s’exprime à travers un amateurisme flagrant et mortel; la seconde qui découle de la première se traduit par la banqueroute du Liban. Comment peut-il quémander de l’aide alors que sous le règne de ses ministres, le secteur de l’électricité a dilapidé plus de 40 milliards de dollars sans parvenir à réhabiliter la moindre centrale ni le réseaux, encore moins à fournir le courant aux abonnés?
La communauté internationale, préoccupée par la crise du Covid-19, peut-elle encore croire aux promesses des dirigeants libanais, maintes fois répétées depuis plus de trois décennies, mais jamais tenues? Quel pays peut-il encore venir au secours d’un Liban littéralement pillé par ceux qui sont censés le redresser? Selon toute logique, le Liban officiel a un train de retard sur le mouvement de contestation né le 17 octobre dernier et qui ne peut que repartir plus fort dès la fin de la crise sanitaire. La course entre le pouvoir et le peuple est engagée, tout comme le divorce.