Roma (22 mars 2020) Ce dimanche 22 mars devait se tenir le deuxième tour des élections municipales en France. Mais le Coronavirus en a décidé autrement. Comment cette pandémie changera-t-elle la face du monde dans les prochaines années ?
Le Covid-19 a déjà fait des milliers de morts à travers le monde et le compteur macabre n’est malheureusement qu’à son début, estiment les spécialistes qui redoutent des décès par dizaines de milliers dans les semaines et mois à venir tant que la recherche scientifique pour trouver un traitement restent balbutiantes et que les hôpitaux sont saturés. Aussi, ce fléau a déjà fait des victimes collatérales tant sur les plans économique que social et laissera indéniablement des conséquences indélébiles aux niveaux plan politique et sociétal dans tous les pays où il s’est invité.
Les traces du Covid-19 en politique
Les polémiques enflent déjà dans plusieurs pays européens quant à la politique de santé publique qui, durant ces dernières années, a favorisé la fermeture de lits dans les hôpitaux par soucis d’économie, privilégiant l’ambulatoire à l’hospitalisation. De même, les budgets de la recherche ont été sérieusement amputés. Les résultats de cette « rationalisation » sont flagrants : tous les pays se sont retrouvés dépassés par les événements et démunis face à l’épidémie. A la fin de la pandémie, des comptes seront sans doute demandés aux décideurs qui, consciemment ou inconsciemment, ont ruiné le système de santé. Une refonte de fond en comble de la politique économique sera également indispensable pour délocaliser moins et investir davantage dans les économies locales. Car, il a fallu que la Chine arrête toutes ses usines pour que l’Occident tremble. Il importait tous ses besoins d’Extrême-Orient y compris les plus vitaux et stratégiques (masques chirurgicaux, médicaments, électronique…), où aucune norme n’est respectée (emploi des jeunes, sans protection sociale ni couverture médicales…). L’Occident doit ainsi revoir cette approche et opter pour rapatrier son industrie.
Le Covid-19 doit ainsi légitimement s’inviter aux prochaines élections, à commencer par les municipales françaises en passant par les présidentielles américaines. Les électeurs sanctionneront sans nul doute les partis au pouvoir et leurs alliés pour leur défaillance. La polémique franco-française quant à la culpabilité des uns dans l’inaction ou les conflits d’intérêts des autres quant aux stocks stratégiques ou la recherche scientifique est révélatrice. Pourvu que les électeurs gardent en mémoire l’inexpérience des jeunes et la politique comptable des autres. Pour éviter d’être balayés dans les urnes, les exécutifs font de la surenchère médiatique pour occulter leurs manquements et leurs déficits de clairvoyance en renforçant, même tardivement, les mesures de confinement pour capitaliser ultérieurement dans les urnes. Certains maires mettent sur pieds des réseaux de solidarité pour s’en vanter et gagner quelques voix. La Maison-Blanche engage une course contre la montre pour avoir le remède contre le Covid-19 pour sauver Donald Trump… Outre la France et les Etats-Unis, où les échéances électorales sont très proches, les pouvoirs en place en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne et dans les autres pays démocratiques touchés de plein fouet par le virus auront aussi des comptes à rendre. Au-delà de cet aspect unilatéral, il faut aussi s’attendre à des règlements de comptes multilatéraux, notamment au sein de l’Union européenne qui a lamentablement échoué à gérer la crise de façon collective. La solidarité inter européenne, notamment envers l’Italie éprouvée, a fait lamentablement défaut et a accéléré la pandémie, comme le résume cette vidéo:
A contrario, les pays dictatoriaux comme la Chine, la Corée du Nord, la Syrie et l’Iran, et ceux où la démocratie n’est que de façade comme l’Egypte, l’Algérie et le Liban, ou encore dans les monarchies du Golfe, au Maroc et en Jordanie, les défaillances des pouvoirs pourraient alimenter la colère populaire qui, n’ayant pas accès aux urnes pour sanctionner, s’exprimera dans la rue. Le Coronavirus sera ainsi le carburant de la contestation à venir. Celle-ci sera le prolongement du printemps arabe qui, sous la répression policière et l’obstination des dictateurs à se maintenir au pouvoir, avait tourné à l’automne dans de nombreux pays. La contestation a certes été décapitée par les régimes et vaincue par le Coronavirus, mais elle est loin d’être déracinée.
Vers une mutation sociétale
Comment en serait-il autrement quand on sait que dans tous ces pays, les pouvoirs tentent d’occulter le nombre des victimes pour cacher les faiblesses structurelles de leur système de santé ? Les Algériens, les Egyptiens, les Marocains et les Jordaniens, par exemple, n’oublient pas qu’ils sont privés d’hôpitaux dignes de ce nom, et se souviennent que leurs dirigeants se font soigner en Occident (France, Suisse, Espagne, Allemagne ou Etats-Unis) ? Ils ne manqueront pas de réclamer plus d’hôpitaux et d’université et moins de mosquées. Ils voudront moins d’armements et plus d’infrastructures.
Au Liban, comme en Algérie, les contestataires se sont résolus au confinement bien avant que les autorités ne prennent la décision, mais leur colère n’en est pas moins débordante contre un pouvoir irresponsable. Au Liban, comme en Algérie, les citoyens en ont assez de la corruption qui a ruiné leur pays au lieu de les transformer en oasis. Si Alger dispose de 62 milliards de dollars de réserves pour faire face au coût de la crise, le Liban a lancé une campagne de dons auprès du peuple déjà désargenté pour acheter des masques et des gants. Une situation lamentable qui s’ajoute à l’irresponsabilité du gouvernement qui, au lieu de confiner le pays, a autorisé le maintien des vols quotidiens avec l’Iran, foyer important du Covid-19, à la demande du Hezbollah. La Présidence de la République, le Gouvernement et plus particulièrement les ministres de la Santé, de l’Intérieur et des Transports, ainsi que la Présidence du Parlement, auront à se partager la responsabilité avec le Hezbollah et à rendre des comptes. Les Libanais les attendent au tournant.
En Syrie, les cris d’alarmes se multiplient dans un pays dévasté par la guerre et qui ne dispose d’aucun moyen de lutte contre le Covid-19. Pire encore, le régime ne semble pas sensible à ce fléau, pensant qu’il va l’aider à se débarrasser de ses opposants, puisque le confinement dans les camps de réfugiés est techniquement impossible et où plus d’un million d’individus sont potentiellement menacés. Dans les pays du Golfe, le Coronavirus continue de se répandre profitant de l’indiscipline des citoyens et du manque de moyens sanitaires malgré les moyens financiers colossaux, mais malheureusement mal investis et mal répartis…
Une catastrophe sociale
Dans les pays producteurs de pétrole, le Covid-19 laissera des séquelles graves. Selon les experts, ces pays auront beaucoup de mal à surmonter la crise à court terme et à rééquilibrer leur budget, souvent basé sur des prix supérieurs à 50 ou 60 dollars le baril. L’arrêt de l’économie chinoise et le ralentissement de l’économie mondiale, conjugués à la guerre des prix entre Saoudiens et Russes et à l’abondance de l’offre et la rareté de la demande ont fait perdre plus de 50% du prix du baril. Selon les prévisions, il pourrait se maintenir autour de 20 dollars pendant plusieurs mois. Or, les pays exportateurs n’ont pas diversifié leur économie et dépendent de l’or noir pour acheter la nourriture et la paix sociale. A défaut, ces pays s’acheminent droit vers une crise sociale durable marquée par des troubles sociaux. Car, le confinement, la mise en congés payés de 50% des salariés dans certains pays, la fermeture pure et simple de petites entreprises dans d’autres, ne font que gonfler le nombre des chômeurs déjà très élevé. Tous les pays ne sont pas préparés de la même façon pour faire face à la crise sociale qui s’annonce et pour payer le prix social de la crise sanitaire. Ils ne peuvent même plus compter sur les aides occidentales ni sur la contribution de leurs diasporas, car désormais, « à chaque pays suffit sa peine. »
Un mal pour un bien ?
Enfin, comme disent certains « sages », « la Terre était congestionnée par les activités humaines nocives et il lui a suffi d’éternuer pour tout changer à travers cette pandémie. » La différence est visible partout où l’activité économique s’est réduite ou a cessé par le confinement, à travers moins de pollution atmosphérique et toxique. Les tenants de ces propos y voient un avertissement envoyé aux climato-sceptique. Le monde devra ainsi tourner la page du modèle économique en vigueur ces dernières décennies. Ça en est fini de la globalisation sauvage et outrancière et désormais, les pays industrialisés devront davantage sanctuariser leur économie. L’appât du gain facile à travers les délocalisations devrait laisser la place aux investissements raisonnables et raisonnés, suivant un schéma directeur stratégique. Dans leur mutation post-coronavirus, les pays industrialisés devraient aussi abandonner un peu de leur confort et penser un peu plus à panser les plaies de la Planète et comprendre que le modèle de surconsommation est une arme à double tranchants.
Dario S.