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Coronavirus : l’Italie met un quart de ses habitants et le moteur de son économie en quarantaine

C’est un pays qui s’est réveillé ce dimanche sous le choc d’une série de mesures sans précédent. Le gouvernement de Giuseppe Conte, qui lutte contre l’épidémie de Covid-19, a décidé d’étendre les zones de confinement décidées il y a quinze jours à toute la Lombardie et à 14 provinces du nord de l’Italie. C’est le poumon économique de la Péninsule qui est mis en quarantaine, environ 15 millions d’habitants.

À la « stazione » (gare) Garibaldi de Milan (Italie), samedi soir vers 23 h 20, c’était l’affolement. Alors que la rumeur d’une mise en quarantaine de la Lombardie circulait depuis vendredi soir, la nouvelle venait de tomber et des centaines de passagers se précipitaient sur les derniers trains en partance pour le Sud.

Pour endiguer l’épidémie de coronavirus, le gouvernement était sur le point de signer un décret restreignant tout mouvement en entrée et en sortie vers une vaste zone comprenant la Lombardie mais aussi quatorze autres provinces du Piémont, de Vénétie, d’Émilie-Romagne et des Marches.

La Lombardie, c’est non seulement 9 millions d’habitants, c’est le moteur de l’économie italienne, avec la Vénétie et l’Émilie-Romagne. Des milliers d’étudiants et de jeunes travailleurs ont émigré du sud pour y venir s’installer. Aussi en quelques heures, le pays se retrouvait samedi soir coupé en deux. Sur les réseaux sociaux, dès minuit, circulaient des images de passagers installés dans les couloirs des wagons.

Confusion sur les mesures

Le texte du décret qui a filtré dans la soirée de samedi a suscité un début de polémique, en raison de certaines ambiguïtés. Le document ne parle pas en effet d’une interdiction pure et simple de tout mouvement en entrée ou en sortie de la nouvelle méga zone rouge. Tout ne va pas s’arrêter, dit le texte. La police, l’armée et les pompiers, pourront toutefois effectuer des contrôles sur la motivation des déplacements. Le décret comprend des mesures qui valent dans toute l’Italie (fermeture des écoles, des universités, des discothèques, des salles de jeux…) et des mesures spécifiques pour la Lombardie et les 14 provinces nouvellement concernées.

Ainsi, pour cette nouvelle zone « orange foncé » comme l’a rebaptisée la presse italienne, sont prévues les mesures suivantes : suspension des activités publiques, fermeture des musées, des gymnases, des piscines, des théâtres, suspension des concours publics, report des réunions de travail. Le texte affirme que les citoyens de ces zones devront « éviter de façon catégorique tout déplacement en entrée ou en sortie de ces territoires », à l’exception des « situations d’urgence » ou « d’exigences professionnelles impossibles à différer ». Une formulation ambiguë qui, selon la presse italienne, a suscité de vifs débats entre le gouvernement national et les responsables des régions et des collectivités locales.

« La confusion qui a filtré sur le décret avant sa signature a créé la panique », se plaignait dimanche matin Roberto Burioni, un des virologues les plus sollicités par les médias italiens depuis deux semaines, à la vision des trains partis bondés samedi soir de la Stazione Garibaldi. « Et comme cela le seul effet est de propager un peu plus le virus ». De nombreux résidents à Milan ont également décidé de partir en voiture, toujours vers le sud, avant que l’isolement de cette immense zone rouge ne les bloque pour au moins quatre semaines.

Plus de 500 patients en thérapie intensive

Dimanche matin, selon le Corriere della Sera, le grand quotidien milanais, la situation était toutefois rentrée dans l’ordre dans les gares de la capitale lombarde. Les chiffres officiels diffusés par la protection civile montrent une accélération depuis trois jours de la diffusion du coronavirus. Samedi, à 18 h, il y avait en 5 061 patients positifs au virus, soit 1 145 de plus que la veille. Le nombre de victimes est passé samedi à 233. Samedi matin, dans un message posté sur Facebook, Nicola Zingaretti, le leader du Parti démocrate, a annoncé qu’il était lui aussi positif. Il est non seulement le secrétaire d’un des principaux partis de gouvernement, mais aussi président de la région Latium.

Plus préoccupant pour les responsables italiens, outre les décès, c’est le nombre croissant de patients atteints du virus nécessitant une thérapie intensive. Les statistiques sont à prendre avec beaucoup de pincettes puisqu’on ne connaît pas la réelle ampleur de la diffusion chez les personnes asymptomatiques. Mais plus de 500 personnes sont, en Italie, en thérapie intensive, soit près de 10 % des cas répertoriés.

Samedi, la société des anesthésistes et des réanimateurs a ainsi publié un document pour la gestion de crise face au manque prévisible d’appareils respiratoires dans les structures sanitaires si l’épidémie s’aggrave. « Il s’agit d’un document technique destiné aux professionnels », répond au journal La Repubblica Flavia Petrini, la responsable de cette société. « On l’a rédigé parce qu’en Lombardie la situation est dramatique et les professionnels ne doivent pas être laissés seuls face à des choix très difficiles. Ils sont déjà confrontés aujourd’hui au fait de décider à qui brancher un respirateur artificiel ou non ».

La responsabilité de tous

C’est bien là le nœud de cette crise sanitaire : la capacité des structures à faire face à une arrivée massive de personnes nécessitant de soins intensifs. D’où, malgré les appels répétés depuis deux semaines à un comportement plus responsable, un véritable cri du cœur samedi de la part d’Angelo Borrelli, le responsable de la Protection civile italienne qui, chaque après-midi vers 18 h, fait le point sur l’épidémie. « On ne peut gagner cette bataille que si nos concitoyens adoptent des comportements responsables », a-t-il déclaré samedi. Le président de l’Institut supérieur de la Santé, Silvio Brusaferro, a été encore plus clair, au cours de la même conférence de presse. « Non aux comportements superficiels. L’attention et la conscience de tous sont nécessaires ».

Les personnes âgées, notamment, sont invitées à réduire leur sortie au strict nécessaire. Et ne pas faire comme ce couple de retraités qui ont fui la zone rouge de Codogno pour aller faire du ski dans le Trentin, où ils possèdent une résidence secondaire. Ils se sont révélés positifs au test, ont été hospitalisés et ont ainsi contribué à la diffusion du virus et à la surcharge des structures hospitalières.

Le Pape en streaming

Les responsables de la santé italiens insistent beaucoup sur la distance à respecter dans tout contact avec d’autres personnes. « Au moins un mètre », martèlent les virologues de tout le pays sur les chaînes de télévision. Une mesure de prudence jusqu’ici largement non respectée par la population. Il suffisait de se promener dans Milan ces derniers jours pour constater que les bars étaient encore fréquentés.

Afin d’éviter des contrôles et des attroupements inopportuns sur la place Saint-Pierre, le Pape François a décidé de réciter la prière de l’angélus, qu’il fait publiquement chaque dimanche depuis la fenêtre de son bureau au troisième étage du Palais apostolique, en streaming. Il y a un précédent, c’était Jean-Paul II, en 1981, une semaine après l’attentat, qui avait prié depuis son lit d’hôpital en direct à la radio. Pour l’instant, un cas de contagion a été détecté au Vatican. (Ouest France)

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