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L’Europe redoute le chantage de la Turquie et l’arrivée de millions de nouveaux réfugiés. Elle pourra redouter à l’avenir un autre chantage d’Assad

Rome, vendredi 28 février 2020 (11h10 GMT) La Turquie menace d’ouvrir ses frontières pour permettre les réfugiés, notamment syriens, qu’elle héberge, d’affluer vers l’Europe. Plusieurs médias diffusent, ce vendredi 28 février, des images en boucle de centaines de réfugiés, dont des femmes et des enfants, qui affluent vers la frontière avec la Bulgarie et la Grèce. La télévision « Al-Hadath » affirme que les autorités d’Ankara ont même mis à la disposition des réfugiés des bus gratuits pour les acheminer depuis Istanbul vers la frontière de l’ouest.

Les Européens redoutent une nouvelle vague migratoire et accusent le président Recep Tayyip Erdoğan de leur faire du chantage. Ils affirment avoir versé à la Turquie 5,6 milliards d’euros sur 6 milliards promis pour aider la Turquie à supporter le poids des millions de réfugiés syriens qu’elle héberge. Mais Ankara en réclame davantage et menace d’ouvrir les vannes pour inonder le Vieux continent de millions de nouveaux migrants. Mais des plusieurs sources européennes à Bruxelles, la Turquie utilise ce dossier pour forcer l’Union européenne à la soutenir politiquement et financièrement dans l’établissement d’une zone de sécurité dans la région d’Idlib, afin d’y installer les réfugiés syriens. De même, Ankara souhaite accentuer la pression sur ses partenaires occidentaux, et plus précisément ceux qui comptent au sein de l’OTAN, afin de les contraindre à la soutenir dans son conflit avec la Russie en Syrie. D’autant plus que des responsables luxembourgeois affirmaient ce vendredi que le conflit ne concerne en rien l’OTAN.

Des opposants syriens réfugiés en Europe regrettent que « la communauté internationale n’ait pas pris les mesures qui s’imposaient pour empêcher ces vagues migratoires depuis la Syrie, dès le déclenchement de la révolte du peuple syrien et sa militarisation par le régime dictatorial de Bachar Al-Assad. » Et d’ajouter que « l’Europe subit aujourd’hui les conséquences de sa politique molle. Au lieu de devoir financer les réfugiés, il aurait été plus judicieux de traiter les causes de leur exil en éliminant leur bourreau. Les Européens soignent aujourd’hui les symptômes de la maladie et non pas la maladie elle-même. » En conclusion, nos interlocuteurs estiment que « la transformation démographique de la Syrie, où les Sunnites sont remplacés par les Chiites iraniens et afghans, naturalisés par Assad, empêche une grande majorité de réfugiés d’y retourner. La Syrie est iranisée et il serait illusoire de croire que le conflit sera résolu dans les prochaines années. »

A cet égard, une source sécuritaire européenne souligne que « le chantage de la Turquie avec les réfugiés reste moins menaçant que le chantage auquel Assad pourrait recourir dans les années à venir pour contraindre la communauté internationale à financer la reconstruction. » Et de rappeler les mœurs de son père Hafez Al-Assad entre les années 1970 et 2000, notre source redoute « le recours de Damas au terrorisme, sous quelque nom que ce soit, pour faire plieur l’Occident et les pays du Golfe pour leur extorquer des fonds. » Le prix que la communauté internationale a voulu éviter de payer en renversant Assad en 2013, après avoir gazé son peuple, le paiera quadruplé pendant les décennies à venir, prévient notre source.

Paolo S.

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